Slow-dye

Teintures naturelles pour les curieuses et les flemmardes
  

Quelles intentions en teinture maison (l'horizon des teinturiers)

17.11.15 J'offre à la communauté (enfin j'offre, façon de parler - il faut bien un échange donc je vends des livres autoédités sur le résultat de mes recherches) ce que je fais de mieux: poser des questions, et pas n'importe comment: à la manière un petit bouledogue qui ne lâche pas le morceau. 

J'aime savoir si dans mes élucubrations je réponds aux demandes de mes congénères. Je dresse ici un tableau synthétique de ceux pour qui j'écris. Je me suis amusée à croiser les données selon la finalité (hobby ou professionnel) et l'intention (solidaire, équitable, etc.). J'ai déjà catégorisé les amateurs de couleurs selon leur engagement en temps dans l'activité.

Si je devais ouvrir une boutique de teintures ou de kits de teintures, j'utiliserais la même classification.

J'imagine qu'un teinturier amateur aurait aussi bénéfice à employer ce tableau, pour se repérer dans son périple. Nous sommes parfois freinés par les exigences strictes de nos bons conseilleurs, comme Michel Garcia, qui n'imaginent pas toujours que nous n'avons pas les mêmes critères:

  • nous ne devons pas tous reproduire un ton à l'identique, la surprise est même parfois la bienvenue pour un artiste de la fibre
  • nous ne voulons pas nécessairement une fiabilité lumière/sueur/lavages/frottement, tout simplement parce que notre oeuvre sera pendue au mur... ou parce que, teinturière d'occasion, on sait qu'on peut tout simplement reteindre la chemisette après deux ans (j'aime tant le ton de l'orcanette, que je teins avec cette plante malgré que sa tenue lumière est minable; je reteindrai mon étole quand elle fanera et puis voilà...)
  • nous avons des libertés de temps (on peut laisser traîner un écheveau de laine dans une cuve, touiller de temps en temps, la faire sécher quand on a deux minutes)
  • nous n'avons pas les mêmes impératifs budget, échéances, etc.
  • continuez la liste, elle est infinie

Intention

Dans un prochain billet, je me creuserai les méninges pour trouver d'autres surnoms, plus explicites, pour tous ceux que je cite ci-dessous. Plus rigolos, en tout cas. Ici: projet.

Toutes les catégories se croisent bien sûr, mais le propre des tableaux est de réduire le réel à des variables tangibles. Cela aide à clarifier le débat.

  • Le "classique" veut teindre et puis voilà. Teintures chimiques, micro ondes, rinçage avec autant d'eau qu'il le faut.  Je ne vois pas ce que je peux lui apporter, le net regorge de recettes et de blogs.
  • Le "solidaire" veut savoir qui il nourrit quand il achète des produits (depuis le colorant jusqu'à la laine). Il achète en général chez un fermier qu'il peut rencontrer, une source proche qu'il peut visiter, une industrie proche s'il le faut. Il n'est pas anti industrie, il est anti flou géographique. Quand il achète dans des pays lointains, il vérifie à trois fois quelle association fait le relais. Il ne croit que d'une oreille les grandes promesses de traitement social digne dans les usines situées très, très, très loin.
    Il est prêt à payer plus cher pour s'assurer de cette part solidaire, souvent de proximité.
    En France, on pourrait établir une sous-catégorie pour l'amateur de "made in France" (qui, je rigole en passant, ne sait pas que ça veut dire qu'on peut acheter les bases en Chine et assembler en France...)
  • Le "durable" veut s'assurer que la production de ce qu'il achète et qu'il fabrique ne contamine pas les eaux de rejet, niquant par la même occasion la biodiversité microbienne, amphibienne, etc. Pas aisé comme posture, car les usines d'extraction d'ocre, tout naturel que soit le produit, ravageaient les rivières par des rejets pourtant non toxiques. Par excès tout simplement.  
  • L'hypotoxique A souhaite mener une activité non toxique pour lui-même lorsqu'il produit: toxicité par la peau, la respiration de vapeurs, etc
  • L'hypotoxique B veut vendre/donner/fabriquer des produits qui ne soient pas toxiques à porter/manger/etc. pour l'utilisateur final.
  • Le "santé" ne se préoccupe pas que de son propre bien-être. Il voudrait que le travail en usine ne soit pas source de maladies (utopique, je sais). L'ouvrier travaille de longues heures dans ces produits.
  • Le "bio" veut un label clair et net, soit parce que ça lui facilite les choix, soit parce qu'il vend dans la filière bio.

Et le curé dans l'histoire c'était moi. Eh oui avant, au début de ma conversion écolo,  qui n'est arrivé qu' à 40 ans, je donnais des leçons. Normal: nouvel arrivant... Désormais, "tu fais comme tu veux, ma poule, mais moi je veux pas mourir idiote alors je te raconte mes découvertes".

Dans le tableau ci-joint, je peux cocher toutes les colonnes, de 1 à 8. Je pourrais amorcer un nouveau label pour mes critères perso; car le label bio ne me suffit pas. C'est ma famille de coeur, mais je sais comme il est difficile d'obtenir un consensus dans le domaine, qui est grevé de trop de compromis à mes yeux.  Voir toute la complication dans les vins bio, les peintures "écolo" (qui n'en sont pas...), etc.

Finalité

En abcisse du tableau j'ai repris la finalité, depuis le hobbyiste jusqu'au reconstitueur historique.

On y retrouvera une forme de gradation de normes, des plus souples aux plus strictes. Le reconstitueur : il peut pas rigoler, il doit procéder comme à l'époque qu'il veut faire revivre... C'est au point que des reconstitueurs américains doivent teindre les boutons des uniformes de soldatesque de deux couleurs, pour reproduire l'effet de la teinture de campêche qui passait au soleil: violet du côté intérieur du costume, brun de l'autre. Le diable est dans les détails.