Avant de vous casser la tête à reproduire la cuve 123 d'après mon résumé ci-dessous, sachez que Michel Garcia vend désormais de la poudre pour "cuve d'indigo instantanée" organique. "Elle est vendue sous la forme de flacons de 250ml de poudre, qu'il suffit de délayer dans 15 litres d'eau bouillante (Un seau). - On remue, - On laisse tiédir, - C'est prêt. Un flacon permet de teindre un bel ensemble d'écheveaux, ou de petits articles, en nombre variable, en fonction de la teinte désirée."
Pour le coton et le lin, on peut préparer une cuve au fer comme exposé ci-dessous. La laine et la soie, plus sensibles, préfèreront une cuve organique 123 à la Michel Garcia comme je la résume ci-après. Il existe d'autres techniques au naturel, comme la cuve de fermentation à la japonaise, dont la gestion est trop complexe pour nos besoins d'artisans d'art. Les deux cuves dont je propose la recette sont très fiables.
La version classique à l'hydrosulfite est si connue que je m'en voudrais de gaspiller votre temps à vous la réexpliquer. Rendez-vous chez Tricofolk pour une recette en images, très détaillée. En contexte "écono-logique", on tente de ne pas utiliser des produits difficiles à recycler dans la nature après (quoique... l'hydrosulfite est-il encore si toxique après les transformations?). Je l'utilise pour teindre les papiers, le résultat est plus net qu'avec les autres cuves. Je n'ai pas d'explication. Mon propre billet
Nous devons cette méthode de cuve organique à Michel Garcia. Sa méthode est si simple qu'on n'y croit pas... et pourtant! Dans du jus de henné chaud (le réducteur), on introduira la poudre d'indigo en pâte. On alcalinisera avec de la chaux, à des degrés divers selon qu'on teint du coton ou de la laine. On entretient la réduction ensuite avec du fructose en poudre (achat en magasins de diététique), des oignons, des bananes -- toutes les sources naturelles de fructose.
Se procurer pour un premier essai dans 3 litres d'eau:
Au final, vous réalisererez cette cuve dans un plus grand volume, ce qui garantira une meilleure réussite, mais vu le prix de l'indigo (300€ à 500€ le kilo...), je vous invite à commencer humblement...
1. Pour extraire le réducteur des feuilles de henné, les faire cuire à petits bouillons pendant 20 minutes minimum, dans 4 litres d'eau. On sait que le jus est prêt quand les feuilles tombent dans le fond de la casserole.
2. Il est impératif de mélanger en pâte l'indigo. Si on l'ajoute sous forme de simple poudre, on y perd 80% de son pouvoir colorant.
On peut ajouter 3 gouttes de liquide vaisselle ou d'éthanol pour aider à la dispersion.
3. Dès que le jus de henné est prêt, le filtrer et jeter le résidu. Verser le jus dans le wek.
4. Diluer l'indigo en pâte dans le jus de henné. Remuer délicatement. A partir d'ici, il faut prendre le pli de ne pas introduire d'oxygène dans la cuve, puisqu'on veut réduire (retirer l'oxygène de) l'indigo pour le rendre soluble.
Pour remuer: placer un baton long à la verticale dans le bocal, touchant le fond, tourner le long des bords, quand il tourne seul le ramener vers le centre, le bloquer, on voit un vortex. Ce geste va bien mélanger sans oxygéner.
5. Diluer la chaux dans un fond d'eau tiède. Ajouter cette pâte à la cuve et remuer.
Ajouter la chaux en dernier lieu, sinon elle diminue le pouvoir réducteur du henné.
6. Attendre au moins une heure afin que la cuve s'active. Parfois il faut attendre plusieurs heures. Elle est prête dès que les critères sont remplis.
Si la température est trop basse pour la laine ou la soie, réchauffer sans dépasser la température critique de 50°C à partir de ce stade-ci. Le cas du wek: placer le wek dans une grande casserole, avec un bon peu d'eau bouillante et chauffer.
6. Avant de commencer à teindre, remuer en tourbillon une dernière fois. Observer les critères . Parfois il faut remuer trois fois à cinq minutes de distance pour amorcer. Si les trois sont présents, écarter la mousse bleue (le "fleuret") et tremper la fibre déjà mouillée.
On peut garder la mousse bleue sur une assiette et la replacer en fin de travail dans la cuve. On peut aussi la laisser sécher pour l'utiliser en peinture.
Si la cuve n'est pas prête, vous serez malgré tout tenté de commencer car la fibre prend la couleur après trempage. Hélas! Cette couleur n'est pas accrochée à la fibre, elle part au rinçage. Vous risquez de gaspiller pas mal d'indigo de la sorte... Tous les débutants l'ont fait, vous ne serez pas le premier.
Souvenir qu'en stage MG disait
Voir comment rectifier l'état de la cuve, comment relancer la cuve
Lorsque la cuve est prête à 40°C:
Lors de bains ultérieurs, pour foncer la couleur, vous la garderez plus longtemps si vous le souhaitez. Pour un meilleur unisson, il vaut mieux tremper et oxyder plusieurs fois que laisser longtemps dans le bain.
En fin de course, bien rincer la laine. Dernier bain de rinçage à l'eau vinaigrée (prévoir une cuve avec 1/2 litre de vinaigre par 15 l d'eau de rinçage).
Lorsque la cuve est prête, qu'elle soit froide ou tiède :
Les tissus teints en zones irrégulières signifient soit que le tissu a été mal décati , soit qu'on a mal introduit le tissu lors du premier bain, soit qu'on n'a pas utilisé de grille (dépôts dans le fond).
Si vous ne disposez pas d'un thermomètre de teinturier: 40°C est la température que le doigt supporte encore.
L'alcalinité de la chaux aérienne peut changer d'un lieu à l'autre (humidité, pot ouvert, etc.). Les doses proposées ne sont peut-être pas suffisantes pour alcaliniser la cuve.
Augmenter le pH. Rajouter de la chaux aérienne petit à petit. Pas trop à la fois, car il est plus facile d'alcaliniser que d'acidifier (revenir à un pH plus bas). Faire le tourbillon. Vérifier le pH.
N'utiliser que de la chaux pour cette cuve-ci. Les autres alcalinisants (ammoniaque, lessive de cendres, etc.) ne sont pas efficaces. Ne pas utiliser l'eau de chaux qu'on peut récupérer d'un seau de chaux en pâte, car la conservation de la cuve ne serait pas aussi optimale. On n'obtiendrait pas la croûte de carbonate de calcaire qui fait bouchon.
Diminuer le pH. Plus délicat. Il est plus facile d'augmenter le pH que de le diminuer. Si on ajoute de l'acide pour diminuer le pH, on ajoute un oxydant, qui diminue le pouvoir réducteur. S'il faut baisser le pH, il vaut mieux ajouter un réducteur organique (pommes, etc.), qui va acidifier mais plus lentement qu'un chlouc de vinaigre.
Si le liquide est clairement bleu (on y voit les particules): rajouter beaucoup de réducteur, sous la forme de:
Doses de fructose (check?). Raisin : 8g/100g ; pomme, poire, kaki, cerise, kiwi, banane, grenade : 4.3 à 6g/100g ; prunes, oranges, etc. : 2 à 3g/100g. Champion du fructose : le fructose poudre bien sûr, mais aussi le miel 40g/100g (ce qui ferait cher la cuve, n'est-ce pas?).
Si le liquide est vert clair ou vert bleu transparent: rajouter "un peu" d'un de ces réducteurs
Si le liquide est jaune verdâtre transparent: bon signe.
Si le liquide est jaune transparent sans vert: il est surréduit, il faut l'oxygéner en le fouettant jusqu'à ce qu'il revienne à jaune verdâtre. Avec la cuve organique, je n'ai pas encore eu ce phénomène. Je suppose qu'il survient dans les cuves à l'hydrosulfite.
La cuve peut être conservée quasi indéfiniment. Vous y teindrez de moins en moins foncé, puisque l'indigo s'épuisera. On verra plus loin comment renourrir la cuve.
1. Remuer avec un long bâton en faisant tourbillon central, trois fois à cinq minutes d'intervalle, en prenant son temps. Pas de bulles!
2. Pour de la laine ou de la soie: réchauffer la cuve à 40°C et 30°C respectivement.
3. Attendre que la température soit atteinte avant de vérifier les critères , car plus l’eau est chaude, moins elle est oxygénée, ce qui peut relancer la cuve
Dès que vous avez compris le fonctionnement et que vous maîtrisez la petite cuve, en route pour des aventures plus ambitieuses, comme deux cuves de 10 litres (l'une pour le coton et le lin; l'autre pour la laine et la soie). Ne jetez pas la petite cuve, augmentez-la plutôt en ajoutant du liquide, avec précaution, sans oxygéner.
Toutes les poudres d'indigo ne se valent pas, toutes les cuves ne produisent pas le même résultat. Faites des échantillons comme celui-ci:
Un morceau de coton, trempé successivement à échéances précises dans la cuve d'indigo. Cela permet de connaître la force de la couleur selon les trempages.