En teinture végétale classique, on cuit la fibre une heure à 80 ou 90°C, en casserole. Parfois le temps de teinture est plus long car il faut monter lentement jusqu'à destination. Voilà qui désole un coeur d'écolo. Et que d'électricité ou de gaz gaspillés...
Par ailleurs, tous les ateliers de hobbyistes ne sont pas équipés de plaques de chauffe.
Ce sujet est exploré plus avant dans le tome pour les explorateurs, je résume ici pour la bonne forme, en me limitant aux fibres protéiques (laine, soie, nylon) qui font l'objet de ce tome-ci.
Pour trouver une cuisson efficace et alternative pour les hobbyistes, on se rappelle que la laine n'accepte la teinture qu'à partir de 40°C, température à laquelle ses écailles s'ouvrent. Autre cas où les écailles accueillent bien la teinture: en pH alcalin. On choisit l'un ou l'autre, sans les combiner. La laine deviendrait rêche en pH basique à chaud. A froid, elle n'en subit pas trop de dégât.
Si on choisit des températures plus basses que celles conseillées par les Anciens, il faudra bien évidemment attendre plus longtemps que la couleur monte sur la fibre. Voir le billet sur le cercle de Sinner.
Quelles techniques alternatives peut-on envisager?
La marmite norvégienne, aussi appelée marmite péruvienne, consiste à chauffer en casserole jusqu'au frémissement (dix minutes), à ôter du feu, à couvrir et emballer dans une couverture de laine bien chaude. Secouer la casserole de temps en temps, sans l'ouvrir, pour que la fibre s'imbibe bien du colorant. Attendre 12 heures avant de déballer. Le bain est alors encore à environ 30°C.
Dans une maison chauffée au poêle à bois, on peut transférer la casserole bouillante sur le dessus du poêle. Le liquide ne bout plus, mais il reste aux environs de 60-70°C. La couleur prend en une heure à une heure trente, sans surveillance. Remuer de temps en temps pour un bel unisson.
La teinture solaire ou "solar dyeing": la fibre mordancée est mise à macérer avec le colorant dans un bocal en verre, exposé au soleil d'été. Remuer le bocal de temps en temps. La couleur prend en deux jours. On peut se fabriquer une forme de four solaire en entourant le bocal de panneaux d'aluminium.
La "teinture solaire d'hiver" (ma terminologie propre) consiste à trouver une source de chaleur existante dans la maison pour y faire chauffer le bocal contenant la fibre mordancée et le colorant: un dessus de radiateur, le côté d'un poêle à bois. La couleur prend en trois à quatre jours, car on y atteint rarement la même température qu'au soleil.
Le bocal à pasteuriser. Pour de petites quantités de toisons ou de fils, on peut teindre dans un bocal de type pasteurisation (un wek), qu'on fait cuire exactement comme si l'on pasteurisait du coulis de tomate. On dépose un linge plié dans le fond d'une grande casserole, on verse un fond d'eau bouillante. On place les bocaux contenant la fibre mordancée et le colorant, on couvre, on porte à ébullition. On garde la chauffe sur le bec de gaz ou on transfère sur le poêle à bois.
Le bocal à la vapeur. Même principe que ci-dessus, dans un cuit-vapeur à feu. On profite de la cuisson du repas pour déposer le bocal bien fermé dans le panier perforé. Il y cotoye les légumes. Technique impossible avec un cuit-vapeur électrique, à cause de sa forme.
Macération quasi-froide. Si vous ne disposez pas de plaques de chauffe à l'atelier, suivez les recettes de teinture classique mais sans cuire. Utilisez l'eau du robinet la plus chaude possible. Ajoutez le colorant et la fibre. Couvrez immédiatement. Emballez ou non en marmite norvégienne. La teinture peut prendre 2 jours.
Le micro-ondes. Souvent, les ateliers d'artistes disposent d'un micro-ondes. Pour de petites quantités, dans des bocaux en verre (ne pas utiliser les weks, qui ont un cercle de métal). Faire cuire en plusieurs cycles de 2 minutes à puissance maximale, suivies de 10 minutes de repos. On peut aussi emballer la fibre humide, bariolée d'extraits colorants, dans un papier cellophane et fixer la couleur au microondes.
Extraction alcaline. Selon la méthode de Jenny Dean, on peut teindre la laine à froid, même en hiver, à condition de la laisser dans un bain très alcalin (pH > 9). En deux jours, la couleur est prise. L'auteur ne mentionne pas la soie, mais je teins la soie en ruban ou en fil ainsi que les fils de coton de cette manière chez moi. Je n'utilise pas ces bains à froid pour les tissus car ils en sortent trop irrégulièrement bringés.
Le coton et le lin (+ viscose etc -> les cellulosiques): les cuissons alternatives sont un peu différentes, dans la mesure où ils prennent moins vite la couleur que laines et soies.