Au fil de l'autre

Carnet de notes de mes explorations: filage, tissage et teintures
  

Retour à l'atelier: campêche/bouleau

10.1 Enfin! Après les récapitulatifs pour mon "retour à l'atelier", je commence enfin la teinture.



Mes notes du jour sur la campêche.

Je double la campêche d’écorces de bouleau, pour qu’elle tienne mieux à la lumière.

25g de campêche et 12g de bouleau en copeaux dans 8 litres d’eau de ville -  cuit en 30 min jusqu’à 75°C. Je filtre, puis j’y dépose les écheveaux alunés ou acétatalunés de laine et de coton  (100g en tout). J’éteins, je laisse couvert et je reviens chercher le lendemain matin.

Couleur : bleu marine bien dense, chatoyant sur laines et sur coton – normal car le campêche donne bleu marine avec alun et CT. Comme il y a un peu de tanin catéchique dans la campêche, je trempe un peu de la laine refroidie dans un bain de sulfate de fer, pour l’assombrir puisque c’est la procédure pour obtenir des noirs. Raté ! J’ai un bleu plus sombre et c’est tout. A revoir : plus aluner ? passer à 50 ou 75% PTS ? rajouter 10% PTS de noix de galles pour compléter les tanins intrinsèques à la campeche ?

Je testerai ceci un de ces jours : chauffer un monobain à 50% campeche, 5% fer, 10% noix de galles. Filtrer, laisser refroidir, teindre à quasi froid sur 24 heures (sauf laine: tester en alcalin).

Chez moi, en eau déminéralisée avec ajout de craie, alunée et sans CT, la laine devient mauve dense rapidement.

Théoriquement, avec un post bain de gaude ou de fustic, je devrais obtenir du vert de gris. En acide, le campêche devrait tourner vers le parme.  Tests à venir

Notes

J’en profite pour aggréger mes notes sur le campêche.

Campêche : haematoxylum campechianum = logwood en anglais.

En bain d’alun, la campêche donne des nuances de violet ; mais des bleus en eau calcaire (selon un des DVDs de MG) : en effet, avec mon eau de ville très chargée, j’obtiens des bleus certes à œil de violet, mais franchement bleus.

Mes anciens tests de tissus au campêche sortaient un peu bringés, si pas beaucoup. Je n’ai toujours pas compris pourquoi vu que j'utilise la même procédure pour tous les tissus, tous les bains. Il me restait à tester les sels de Glauber, pour assurer l’uniformité. Mais je préfèrerais comprendre pourquoi. Je devrais demander une consultation en ligne avec Michel Garcia.

Le bois de campêche est réputé demander de l’eau calcaire ou l’ajout d'un peu de craie au bain de teinture. Selon mes tests préalables, mon eau de ville donne en effet des tons plus foncés que l'eau déminéralisée, sur des fibres  alunées.

depuis peu,, on a un adoucisseur d'eau. Je dois recommencer tous les tests! En pH acide, elle vire brun à cause de ses tanins. Idem en alcalin? Je vérifierai. Mes notes de lecture  sur les fauves de campêche. La campêche contient des tanins catéchiques (les mêmes que le cachou) qui s'oxydent totalement en jus basique – ce qui expliquerait les beaux fauves que j’ai obtenus sans mordançage, dans mes premiers tests à la Rieger (abandonnés, je vous rassure). Dans le test de teinture campêche de MG (DVD nr 2), pour corriger la teneur acide de l'eau de distribution d'Oaxaca, ajoute  de la chaux, mais cela  ne corrige pas vers les bleus. La chaux sur un bain acide révèle en fait d'autres couleurs bruns rosés de la campêche.

Classiquement on teint à 50% PTS. Je trouve que, chez moi, à 25% c’est largement dense.

J’ai encore un fond d’extrait de campêche, acheté en test. On calcule 5% PTS pour un ton dense. J’utilise peu les extraits car je n’y trouve pas de plaisir. Ils sont formidablement pratiques pour les artistes, en revanche. Moins pour les explorateurs.

Chez Valentine Donck, j’avais appris à bien laver à fond au savon de Marseille après teinture, pour ôter le brun et revenir au mauve,

Je voudrais comprendre comment le bain se conserve sans fermenter plusieurs semaines, en récipient fermé, même à un pH de 7 . Il développe une pellicule cuivrée en surface, mais continue à teindre. Or, il devrait changer de ton,, puisqu'il est oxydé.

J'avais condensé ce que j'avais appris dans le livre de Delaunay, en tableau car je ne peux retenir autrement - je corrigerai un jour avec mes propres résultats:

 

Après avoir lu le livre de Leuchs téléchargé à partir de  BNF Gallica (boycottons googlebooks !), je comprends que c'est l'acétate d'alumine qui fait ce noir ->  retester en jouant des dosages d’alun.

 

Il y a quelques années, j’ai lu avec délice tout le bouquin de Dambourney ("Recueil de procédés et d'expériences sur les teintures solides que nos végétaux indigènes communiquent aux laines et aux lainages", à télécharger du net). Depuis, je m'inspire de son enthousiasme sur l'effet des écorces de bouleau et peuplier pour "assurer" les couleurs selon ses termes (c'est-à-dire stabiliser la couleur, réputée brunissante à la lumière).

En fait on lit "affurer" puisqu'écrit en ancienne typo; ça demande une petite gymnastique mentale au début de la lecture.

J’utilise du bouleau, car le peuplier fonce trop (et rendrait le campêche oliveâtre selon  Dambourney à mon souvenir, à vérifier).

 Dambourney conseille d’ajouter du jus de bouleau dans la teinture  à hauteur de  400% PTS. C’est ce que je fais depuis des années (bien moins en PTS, je ne suis pas une pro), et mes bleus de campêche sont toujours bien là (temps belge, il faut dire, on n'est pas les rois des UVs).

On peut aussi stabiliser les violets de campêche par un postbain de cuivre (qui bleuirait le ton). Jamais testé.

La stabilité lumière pour les teintures campêche-cuivre est confirmée selon le tableau ci-dessous, extrait d'un document de recherche par des Indiens, disparu du net. Campêche bien plus stable selon les mordants autres que l'alun:

* BM Titane 4-5 LF et 5CH (donne noir);

* BM cuivre 4 4-5 et 5 (bleu foncé);

* BM fer 6 5 et 5 (bleu noir).

Plus j’avance en teintures végétales, plus je relis le livre du zoologue passionné de teinture américain (reconstitution historique ) : J.N. Liles,   " The Art and Craft of Natural Dyeing: Traditional Recipes for Modern Use". On peut lire de larges extraits en ligne, mais vous gagnez tout à acheter le bouquin. Voir ma présentation.

Dans son pourpre de campêche des Amish, pour coton/lin (page 158) il confirme que ses teintures sont bien durables et résistantes à la lumière. Cela demande une longue série de manipulations selon lui, mais j’ai beau être l’Amish de Nivelles, pas de ça Jeannette chez moi. Je retiens qu’il est important d’oxyder entre les trempages et d’ajouter une pichenette de sulfate de cuivre (4g pour 15 litres d’eau et 200g de campeche - 500g de fibres). 


 

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