27.12.24 Mon résumé des encres maison à base végétale/minérale .
8.1.2025 A ce jour, cette très longue et lourde page récapitulative inclut tous les brouillons depuis 2014, mais il manque des liens, des photos, des bouts de phrase. Bientôt, elle sera finalisée et structurée en un pdf interactif, le fascicule nr 15 de Slow-dye: teintures naturelles pour les curieuses et les flemmardes
Rappel aux nouveaux arrivants: ceci n'est pas un tuto, inscrivez-vous à des ateliers pour cela. Je partage mes notes de stage ou de lecture. Rien ne garantit que je ne loupe pas une étape au sein de mes notes...
Pour réaliser une encre végétale à partir d'une plante, la recette est simplissime: faire un bain de teinture très dense et ajouter 20g d'alun par litre de liquide + un peu de gomme arabique pour le liant et un peu d'H.E. de clou de girofle pour la conservation. Pour la noix ou les galles, qui sont richissimes en tanins, des fixateurs de colorant, il ne faut pas ajouter d'alun. Si l'on emploie des extraits colorants déjà présentés dans le fascicule 4, que je redécrits ci-dessous, c'est encore plus simple: on ne doit pas préparer le bain de teinture, on dilue de l'extrait dans de l'eau chaude et on ajoute de l'alun.
L'encre maison à base de noix produit de superbes lavis bruns et s'utilise en calligraphie. L'encre à base de galles produit des noirs anthracite. Je propose aussi des bases d'encre colorées: mauve, rose fuchsia ou jaune, qu'on adaptera à n'importe quelle plante disponible.
Mais d'abord, des concepts à connaître. Ce sont des bases pour les non-teinturiers, et des rappels pour les lecteurs qui ont le minimum de bases: qu'est-ce qu'une teinture; qu'est-ce qu'un extrait colorant; qu'est-ce qu'un pigment; qu'est-ce qu'un bain de teinture.
1. Teinture ou pigments. Pourrais-je teindre un T-shirt dans de l'eau et de l'ocre? Non. Ce serait tout sauf une teinture. En effet, un végétal broyé et mis à cuire dans l'eau produit de la couleur soluble, qui est la TEINTURE, alors que certains produits génèrent une couleur insoluble dans l'eau: ce sont des PIGMENTS. Comme la terre de Sienne ou l'ocre. La teinture pénètre dans le tissu et le teint à coeur, alors qu'utiliser un pigment sur un tissu équivaudrait à peindre le tissu en surface. Avec les risques de craquèlement, de disparition par frottage. Souvent, le pigment est minéral et la teinture végétale.
Voir en illustration chez Astuces d'artistes:
Sur papier, on ne teint pas, on utilise les encres, dont l'effet est très aérien puisqu'elle pénètre au coeur du papier: on calligraphie, ou on fait des lavis en peinture.. Elles sont fabriquées soit avec des sources naturelles (des bains de teinture très denses), soit avec des pigments issus du minéral (terre de sienne) ou du pétrole (qu'on dit en anglais "organic pigments", paradoxal quand on sait qu'organic signifie bio dans cette langue).
Une extension des encres : l'aquarelle, la gouache, à condition de leur ajouter les liants voulus . Pour le cuir, on utiliserait la forme teinture aussi, afin que le colorant pénètre bien à coeur et se fixe. Il existe des teintures à l'eau ou à l'alcool, dédiées au cuir. Vous avez certainement, comme moi, essayé de peindre de vieilles chaussures que vous aimiez tant ... avec le triste résultat que l'on sait: craquèlements affreux. Il faut en passer par ces teintures commerciales. J'investigue pour l'instant, je reviens à vous sous peu pour la version teinture végétale.
Pour compliquer la définition, on peut extraire d'un bain de teinture une forme insoluble du colorant: on l'appelle une laque ou un pigment laqué. La laque se comporte momentanément en pigment minéral dans la mesure où le colorant n'est plus soluble. Ce n'est que temproraire: on pourra redissoudre cette pâte pigmentaire pour en faire un bain de teinture à nouveau. Le sujet est traité dans Comment faire une laque.
Pour une novice, la distinction n'est pas aisée: si elle voit une poudre colorée sur une étagère dans un atelier de teinture,
En teinture naturelle, il est capital de connaître ces trois concepts, pour pouvoir profiter de toutes les voies techniques que l'on nous offre.
2. Notion de bain de teinture. Lorsqu'on récolte un végétal, il faut savoir quelle partie contient le principe tinctorial. Dans la noix, qu'on cueille sur l'arbre ou qu'on ramasse en automne. c'est la partie charnue qui protège la coque: la bogue. Ensuite il faut extraire le colorant, par une technique comme la cuisson (en général 30 minutes ou plus à 80°C). On peut aussi laisser macérer 48 h dans un bain alcalin (les extractions alcalines dont il est questions sur ce blog) ou dans de l'éthanol (le cas des écorces ou de l'orcanette). Depuis quelques années se sont généralisés les extraits colorants, qui sont des poudres à teindre. L'industriel a procédé à votre place à l'extraction du colorant. "Il n'y a plus qu'à" appliquer la couleur, en gros: on fouette la poudre dans de l'eau chaude, on y teint la fibre mordancée et roule ma poule.
Bases pour comprendre, à partir d'un bouillon de plantes ou d'insectes, alias "un jus":
* le jus seul ne prend en teinture que pour certains produits, "automordants" dira-t-on - effet de niche (grenade, etc.)
* la plupart du temps, on ajoute un sel métallique au jus pour en faire une encre durable (alun, fer, titane)
* si on trempe une fibre dans ce jus additivé, on fait une teinture
* si le dosage de matière versus eau est élevé, on fait un extrait, qui servira de base pour une pâte d'impression ou qu'on utilisera par exemple pour peindre des chaînes de tissage
* on peut ajouter un liant (gomme arabique, par exemple) à ce jus dense et additivé: on obtient une peinture transparente, une forme de lavis pour papier
* pour peindre sur papier, on procèdera à l'extraction de la laque, alias pigment laqué (chapitre suivant).
Le bain de teinture dense et aluné ferait donc fonction d'encre, tout simplement: faire un bain de teinture classique et ajouter 20g d'alun par litre de liquide + un peu d'H.E. de clou de girofle pour la conservation.
* soit avec Michel Garcia en ligne - le DVD nr 3 chez Studio Galli
(en location de 48h, ça ne coûte vraiment pas cher si on compare aux autres offres hors de prix)
* soit en présentiel chez Michel Garcia, chercher dans ses ateliers: " Fabrication de pigments végétaux, encres, et produits pour les Beaux-Arts"
(les cours sont peu chers si l'on évalue la qualité extraordinaire des connaissances de Garcia)
* soit en anglais chez Mel Sweetnam "Inks and paints" (atelier en ligne, dispo en permanence)
D'autres adresses seront ajoutées au fur et à mesure dans la page ad hoc.
Pour faire de l'encre à partir de la noix sans disposer d'un noyer près de chez soi, il faut être sûr d'acheter du vrai brou de noix, et non pas la version utilisée par les menuisiers sous ce nom et qui est en fait un autre pigment (de terre). Ou acheter de l'extrait colorant.
En outre, il faut produire un bain de teinture puis révéler les colorants en éveillant les tanins par l'ajout de fer (pour des bruns) ou de titane (pour des jaunes orangés). Les recettes sur le net sont bien concises, à mes yeux: diluez du brou de noix (lequel?) dans de l'eau (et pas de révélateur?) et peignez... Soyons plus précis:
Peindre à l'aide du jus. L'encre au sulfate de fer: de clair au départ, le trait foncira en quelques minutes.
Pour conserver plus que 3 jours, ajouter 2 gouttes d'huile essentielle de clou de girofle. Garder en bocal hermétique.
NB. Je dois encore tester l'ajout d'alcool isopropyl à hauteur de 15-20% du volume, ce qui me permettrait de jouer sur le tyvek, ainsi que l'ajout d'un clou de girofle entier.
Pour calligraphier à la plume, ajouter au mélange un épaississant, comme 10% de gomme arabique. Ne pas remplir la cartouche d'un stylo de ce dernier mélange, il est trop épais, il bloquerait.
On peut aussi utiliser ce liquide à l'ancienne pour teindre du bois, sans l'épaissir à la gomme arabique bien sûr. Ou pour teindre de l'osier.
NB1. Si vous gardez les brous de noix après la récolte de noix de Grenoble en automne, vous pouvez les laisser macérer dans de l'eau jusqu'au moment où vous fabriquerez l'encre ou voulez teindre des fibres. Cette fermentation improvisée dégage une odeur forte. Baquet à conserver au garage!NB2. Teinturiers: ne confondez pas les couleurs obtenues par certains teinturiers américains (du marron) avec les blonds fauves que vous obtiendrez avec les peaux de noix provenant de chez votre voisin. Il s'agit de deux noyers différents: juglans nigra (noyer d'Amérique, nigra comme noir) et juglans regia.
Sur le même principe que l'encre de noix, réalisons une encre à base de galles, qui produit des gris anthracite à noirs ou de l'orange selon les ajouts.
Ecrire ou peindre à l'aide du jus. L'orange se révèle immédiatement. L'encre au sulfate de fer: de gris au départ, le trait noircira en quelques minutes.
NB1. Les teinturiers garderont l'oxalate de titane comme fixateur des tanins ou flavonoïdes pour tissu, à la place de l'alun ou du fer: de superbes orangés. Selon Green-ing, calculer 2 à 5% PDF .
NB2. L'achat de galles ou d'extrait se fait en grande quantité pour un teinturier, car on utilise ce produit comme fixateur des colorants pour les fibres cellulosiques (coton & Cie) - procédé d'engallage bien connu des Anciens. Pour les fibre protéiques (laine & Cie), on peut foncer les couleurs d'autres bains de teinture en combinant galles et sulfate de fer. Exemple d'un écheveau teint en rose par la cochenille: si on veut un ton plus prune, le sulfate de fer seul abîmerait la laine vu les doses requises. En le combinant avec des galles, on peut considérablement réduire le dosage en fer, vu que les galles servent de révélateur foncé.
Dans sa vidéo nr 3, Michel Garcia fait aussi une encre classique au tanin avec sulfate de fer: 500ml eau où cuisent 30 minutes 50g de noix de galles - filtré + 40g sufe pour un noir de gris ou +20g ti pour un jaune bonze.
Je n'ai pas trouvé d'oxalate de titane chez Le Lion, mais il semble que ce soit utilisé par les tanneurs de cuir et les artificiers. Je me mets en quête... Je l'ai trouvé chez Michelgarcia.fr et chez Green-ing.comDans son livre, son autre recette d'encre: pour dix noix de galle, une cuillérée de sulfate de fer et un peu de gomme arabique. La couleur se révèle lors de l'oxydation sur la feuille.
photos à retrouver...
Voir en vidéo gratuite chez Solis Scriptorium, où elle compare diverses sources - attention elle n'est pas une technicienne, mais ses vidéos sont belles:
On produit un bain de teinture dense ou très dense, avec peu d'eau et beaucoup de matière ou d'extrait colorant. On ajoute de l'alun et, selon le choix, de la gomme arabique , qui fera office de liant. On peut transformer cette encre en réduisant les doses d'eau, en la gélifiant à la gomme de guar: on obtient une pâte colorante d'impression.
Je n'ai pas de vidéo à partager, car la vlogosphère est pour le moins créative: on y trouve beaucoup de n'importe quoi, genre "je fais de l'encre à base de pétales de fleurs".
La seule de mes sources tinctoriales aimées que je ne transformerai pas en encre ou directement en pâte pigmentaire: la garance, car j'ai entendu Michel Garcia dire en vidéo qu'elle ne donne pas grand chose, il faut en faire une laque pour cet usage. Je produirai donc une laque, ou pigment laqué, que je redissous pour en faire une encre ou une pâte d'impression.
En l'état, elles conserveront quelques jours. On peut les garder plus longtemps en récipient hermétique si on ajoute 3 gouttes d'huile essentielle de thym ou de clou de girofle.
La gaude est très stable à la lumière, mais un peu trop transparente en encre. On lui préfère le sophora, qu'il faut bouillir franchement pour qu'il donne le jaune d'or. Suivre la procédure du campêche en produit brut:
On peut utiliser cette encre liquide ou la sécher , comme on le ferait avec des laques. Mais ce n'est pas une laque! Cette dernière est insoluble dans l'eau, alors que notre encre est une forme de lavis.
En 2014, j'avais suivi les tests d'encre végétale chez http://growingcolour.blogspot.be/2007/12/projectspainitng-with-natrual-dyes-and.html, dont je reprends les illus ci-dessous. Je crois me rappeler qu'elle peignait avec ses bains de teinture, tout simplement. Mais quid de la tenue sur la durée? Elle a un peu arrêté son blog, hélas...
Je rappelle qu'il FAUT un sel métallique pour garantir la durée dans le temps.
Parmi les multiples sources pro sur le net, on peut télécharger à partir de https://travelingscriptorium.com/ "Medieval to Early Modern Manuscript. Some Ink & Pigment Recipes", un livret de recettes d'encres et de pigments compilé par l'unité de conservation des collections spéciales du département de préservation de la bibliothèque de l'université de Yale. On y trouvera des recettes de clothlits , dont parle Stopka dans la vidéo citée plus avant. Télécharger
Aussi un échantillonnage des tons (cliquer pour télécharger le tout):
2023. Je viens d'acheter ce livre: Inks & Paints of the Middle East, rédigé par une calligraphe libanaise installée à Londres. Renaissance des traditions anciennes, tout pour plaire. Au principal des recherches historiques pour calligraphe et enlumineur arabe. Les illustrations sont amusantes, un peu enfantines et contrastent avec le contenu historique, plus sérieux. J'ai aimé le livre pour sa recherche, mais les recettes ne seront pas utiles au teinturier naturel, ni même au calligraphe naturel. Beaucoup d'ingrédients que nous ne trouvons plus facilement, ou qui sont toxiques.
Une présentation ravissante, qui fait choc avec le contenu de recherche ;)
De nombreux extraits dispo pour ses deux livres, avant d'acheter -> https://majnouna.com/shop/books/
Présentation (traduite):
"Encres et peintures du Moyen-Orient
Un manuel sur les matériaux et les techniques artistiques utilisés dans les manuscrits islamiques anciens, destiné aux artistes et aux amateurs d'art.
126 pages abondamment illustrées, contenant des matériaux, de la terminologie, des recettes et d'autres techniques artistiques de la période abbasside, également connue sous le nom d'âge d'or de l'islam. La majeure partie de ce contenu n'a jamais été vue auparavant dans une langue occidentale, et n'a jamais été traitée par un artiste en exercice dans aucune langue depuis que les traités originaux ont été écrits à l'époque médiévale. Toutes les recettes incluses, à l'exception d'une petite poignée, ont été testées dans ma cuisine. Que vous ayez un intérêt général pour l'histoire de l'art ou que vous souhaitiez préparer et utiliser ces matériaux, ce livre vous transportera. "
L'auteur: https://majnouna.com/artist/ - traduction automatique:
Joumana Medlej est aujourd'hui installée dans l'est de Londres et travaille dans son studio de Hackney Wick. Elle enseigne la calligraphie Kufi et l'inkmaking à l'Arab British Centre, à la Prince's School of Traditional Arts et à Domestika. Elle a collaboré avec le musée Aga Khan et l'Institut Goethe sur des projets éducatifs, et a travaillé pour la Royal Mint, Apple, Amnesty, BBC Arabic et la Cour royale hachémite de Jordanie. Elle est l'auteur de deux livres sur la technologie de l'art : Inks & Paints of the Middle East et Wild Inks & Paints.
Pour découvrir son travail: "Calligraphie avec des encres du XIIIè s. "La palette de couleurs d'Al-Qalalusi "avec Joumana Medlej"
1/ conférence-démonstration en vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=3XfYSNeMRJQ
Présentation vidéo
"Treasures of the Select" d'Abu Bakr Muhammad al-Qalalusi est un recueil de recettes et de techniques datant du treizième siècle que l'auteur décrit comme des compétences nécessaires aux écrivains et aux artistes du livre. Il termine son traité exhaustif par une liste de douze pigments de base, leurs substituts et les autres teintes qui sont mélangées à partir de ces pigments. Au cours de cet exposé ponctué de démonstrations, nous parcourrons cette liste pour en savoir plus sur la technologie des couleurs dans la tradition islamique de la fin du Moyen Âge et sur ce que "Trésors" révèle de leur fabrication et de leur utilisation, en recréant sur papier la palette d'al-Qalalusi."
2/ article sur son blog: https://majnouna.substack.com/p/the-and … ts-palette
3/ compléter avec "Rouge secret - Trouver le cœur du carthame" : https://majnouna.substack.com/p/secret-red
Régalez-vous!
Les encres ne sont pas composées que de végétal, on y trouve du minéral aussi (céruse):
Je signalerai enfin un livre d'Elisabeth Dumont: "Encres de plantes ", chez Ulmer, 2018, très riche en recettes et en informations denses. Les illustrations sont magnifiques, de superbes lavis. Je regrette que quantité de recettes soient floues, on voit qu'elles sont copiées/collées de l'anglais (des "tasses" d'eau, ça ne veut rien dire chez nous); et que souvent les recettes n'incluent pas de sels métalliques. Elles seront fugaces. On aura joué, on se sera amusés, mais ... rien ne sera durable.
Ce qui précède sont mes notes personnelles, d'amateur. Je vous invite à suivre des stages en direct: voir d'autres adresses sur la page récapitulative Sources fiables pour des teintures fiables