5.11.2023 Après un détour chez Micky Schoeltzke, nouveau week-end bisannuel de teintures végétales en séries, sur cotonlin et soie. Je note à nouveau la suite des procédures et le planning, pour ma propre gouverne. En six mois, j'oublie beaucoup... Tant qu'à faire, j'ai rajouté des verbes et des adjectifs pour que ce soit lisible par tous. C'est un doublon de mes "retours à l'atelier" précédents.
Peu d'images, ceci n'est pas un tuto. Ce sont des notes personnelles, que je partage avec la communauté.
Pour ce week-end de teintures végétales sur cotonlin et soie, l'idée générale est:
Ci-dessous je détaille le planning sur trois jours, sachant que j'alterne des périodes en famille, en cuisine, au bureau, et à l'atelier de tissage - sur trois étages, avec beaucoup de marche sur deux jours. Je surutilise la fonction horloge du smartphone, car quand on n'est pas dans la pièce de teintures, c'est vite fait d'oublier un bain qui chaufferait trop longtemps.
En prévision du week end de teintures, je relance les deux cuves d'indigo, la faible et la forte. Je touille deux trois fois, je vérifie l'état de réduction et le pH, je rectifie selon les critères déjà exposés. Je ne sais pourquoi, mais il leur faut toujours, chez moi, trois jours pour être performantes.
Rappel.
A. Le pH doit être alcalin, je rectifie en ajoutant de la chaux (pas d'autre base).
B. En touillant, on voit apparaître une mousse bleue. Une pellicule cuivrée est aussi le signe d'une cuve qui vit.
C. Si le liquide est jaune verdâtre transparent: bon signe. Si, en prélevant un peu de liquide dans une assiette blanche, on voit des grains d'indigo, chauffer un peu, ce qui suffit parfois à relancer la réduction. Sinon, rajouter un peu de réducteur. Si je n'ai pas de fructose, eh bien, va pour l'hydrosulfite que j'ai toujours en stock. Une cuiller à café suffit. C'est peu orthodoxe, mais ça me va.
Laisser le temps agir, rien ne presse pour l'indigo!
Si le liquide est jaune transparent sans vert: il est surréduit, il faut l'oxygéner en le fouettant jusqu'à ce qu'il revienne à jaune verdâtre. Avec la cuve organique, je n'ai pas encore eu ce phénomène. Je suppose qu'il survient dans les cuves à l'hydrosulfite.
J'ai racheté un thermoplongeur, le premier ayant rendu l'âme à cause de ma négligence: j'ai omis de le rincer après utilisation. Je l'emploie dans la grande cuve d'indigo, qui est dans un grand bac poubelle. L'alcalin a fini par le ronger.
Pour aider à la relance, je chauffe un peu les deux cuves: la grande de 50 litres au thermoplongeur, la petite de 8 litres en casserole sur plaque éléctrique. 40°C suffit.
Je suis toujours sidérée de la facilité avec laquelle ces cuves organiques "123" de Michel Garcia, sans couvercle, sans entretien, se relancent facilement après six mois de repos
Je rechipote les cuves d'indigo c'est leur petit massage quotidien. Je touille, sans réchauffer.
A l'atelier de tissage, j'écheveaute une série de fils de cotonlin et de soie matte, et un peu de viscose pour un test de noir - environ 60-80g de chaque. J'ai en tout 500g de coton, cotonlin ou soie.
Je pèse et j'étiquette chacun, avec un morceau de tyvek perforé et un marqueur indélébile. Ne jamais oublier de peser avant de laver... J'aurai besoin du poids pour évaluer les doses lors du décatissage, du mordançage et de la teinture. Je n'en ai pas besoin pour les cuves d'indigo.
Rituel quotidien: jouer avec les cuves d'indigo pour les réveiller. Je teste un bout de fil de cotonlin, à plusieurs trempages. Comme je ne travaille en teinture que deux à trois fois par an, je ne sais plus l'état de densité des cuves. Je rince une dernière fois le fil, après plusieurs bains suivis d'oxydations. Par acquit de conscience, je le passe dans un bouillon savonné (de Marseille, mon eau n'est pas calcaire), pour vérifier la tenue du ton. Je sèche ensuite le fil indigoté à l'aide d'un sèche-cheveux, ça me permet de savoir vite si je peux continuer, si le ton est maintenu.
Dans ce cas-ci, c'est bon, ça peut jouer.
Pendant ces multiples trempages du fil de test, je décatis soigneusement, dans une grande casserole de dix litres, les écheveaux déposés sur un tube plastique de récup' pour qu'ils ne s'emmêlent pas.
Pour 500g: 3 cuill. c. de cristaux de soude et 1 cuill. c. de savon marseille plus une giclée de liquide vaisselle. ça frémit pendant une heure à partir du premier bouillon.
L'eau est bien brune, je rince les écheveaux dans deux eaux chaudes (deux fois dix litres dans l'évier, pas moyen de faire moins).
Je prépare une solution d'acétate d'alun maison, selon la recette de MG. J'ai besoin d'alun, de cristaux de soude, d'un bac dédié à cette solution, de vinaigre, d'un petit poêlon.La solution est instable et ne sera utilisée qu'aujourd'hui.
Je dilue 100g d'alun (je frappe fort ce matin, ça fait 20% PTS) dans de l'eau bouillante, deux minutes sur feu fort (ma qualité d'alun ne se dissout pas seule). Dans le petit poêlon précité. Je verse dans un bac où se trouvent déjà 5 litres d'eau. Je dilue ensuite 50g de cristaux de soude dans l'eau bouillante, dans le même poêlon, rincé (ce serait mieux au carbonate de soude, mais j'ai pô). Je les verse dans le bac. La réaction opacifie et moussifie un instant. Après deux minutes, je verse 1/2 litre de vinaigre à 14° (de magasin de bricolage). Moins ou plus: je le fais au pif, je verse un peu, j'observe la limpidité. Tant que ce n'est pas limpidissime, je verse encore par petits chloucs. Si j'utilisais du vinaigre domestique, j'aurais besoin d'un litre au minimum.
Les cuves d'indigo semblent bien parties. Je passe la moitié des écheveaux lavés et rincés ce matin dans la cuve, soit un court instant, soit un long moment, soit une fois, soit plusieurs fois - pour avoir des tons clairs et des tons foncés. Dans la toute grande cuve, les tons sont pastel vu qu'elle est épuisée. Après chaque passage, j'oxyde dans de l'eau claire, puis sur une corde à linge.
Je ne dois pas les mouiller les écheveaux au préalable, ils sont encore humides du bain de décati du matin. Pour indigoter des fibres sèches que je veux humidifier, j'ajouterais une goutte (pas plus) de liquide vaisselle pour casser la surface de l'eau, la fibre s'humecte à coeur.
J'aime l'indigo car il est impossible de continuer à croire aux grammages en teintures végétales dès qu'on a apprivoisé une cuve. Si je donne des "deux trempages", cela n'indique rien à ma copine teinturière car qui sait la qualité d'indigo que j'utilise, qui sait si j'ai bien mouliné l'indigo en pâte pour aider la solubilisation, qui sait combien j'ai déjà teint dans cette cuve, etc.
La grande cuve faible de 100l est vraiment très faible, les 30g d'indigo rajoutés en avril ont déjà bien servi. Je vais la rebooster avec 50g, dose minimale pour ce volume. Je prépare une cuve-mère selon la recette 123 de Garcia:
Selon MG, "il ne fait pas avoir peur de monter au moins a 11, car le ph descend très vite par lui même".
Au passage je note une autre de ses réponses sur fb - sur la chaux, que je trouve vieille pour la cuve d'indigo (je dois en mettre deux fois la dose): "tu gardes ta vieille chaux pour faire des bruns au cachou, par exemple, car même vieille elle sera très bien, et tu en trouves une bonne toute neuve pour ta cuve. Autre astuce: tu peux aussi acheter de la chaux vive: elle ne se carbonate pas à l'air et se conserve donc très longtemps ( au sec tout de même), et dès que tu la mets dans l'eau, de la cuve, cela fait de la chaux éteinte"
Les écheveaux indigotés sont bien oxydés depuis 15h. Je les trempotte dans la solution d'alun à la MG, je les malaxe un peu. Je les essore sans les rincer et je les pends. Ou, pressée, je les dépose sur un radiateur protégé d'un linge pour pouvoir les teindre dimanche.
Si j'ai encore des écheveaux à aluner demain, je rajouterai dans le bac vinaigré d'alun la dose voulue d'alun et de cristaux de soude. Selon MG, cette solution est si instable, si facile à faire et si peu chère que peu importe qu'on jette les restes. J'ai d'ailleurs déjà procédé ainsi la dernière fois, récupérant l'eau vinaigrée pour un nouvel alunage le lendemain: sans souci.
Les écheveaux alunés que je veux teindre ne sont pas encore secs, Belgique oblige. Ils sentent encore le vinaigre. Je les passe au four ménager entr"ouvert, à 140°C. Une heure pour les sécher à sec. Entr'ouvert le four, sinon ils cuisent dans leur propre vapeur.
Je prépare aussi chaque jour (car ne se conserve pas) un bac avec du son de blé (enfermé dans un nouet de vieux bas nylon), du silicate de soude ou de la craie selon les conseils de Michel Garcia. Il est impératif de fixer les cellulosiques acétatalunées avant de teindre. Au cours du jour et des trempages à venir, je vérifierai régulièrement le pH. Il m'est arrivé de le préparer avec un fond de chux qui restait, est-ce hérétique? Le résultat était au rendez-vous.
NB. Nouveau fixatif de MG 2023, dont je suis assidûment les billets sur facebook: le percarbonate, qu'on trouve facilement en Belgique - 18 à 20€ le kilo, selon marque Forever (Hubo, Mr Bricolage) ou Starwax (GB Brico). C'est un blanchissant de linge (comme celui d'Ecover).
MG:"dans mes precedents cours et publis j avais proposé la craie ou le son de ble, parfois le silicate de soude, sur la base de ce qu on pouvait trouver, mais depuis peu je prefere le percarbonate, facile a trouver ici et tres efficace
Dosage: pas plus de 1g par litre, qui correspond a peu pres a un pH de 9. Apres trempage du tissu mordance, le pH descend a 7". Le bain de fixage ne se reutilise pas de jour en jour pour cette raison, entre autres..
Je vais mettre en oeuvre les notes que j'ai partagées la semaine dernière sur un beau noir, sans fer. La procédure: cumuler des couleurs primaires, comme indigo, garance, gaude.
Je ne suis toujours pas guérie, je n'arrive pas à suivre mes consignes. J'avais noté "12% de garance et 24% de gaude". Mais j'ai envie de surdoser la garance et voilà.
Je teste sur un écheveau de cotonlin de 60g environ, bleu dense mais loin d'être foncé, alias "bleu turquin" ou "aile de corbeau", ce que demanderaient nos Anciens pour le noir. J'aurai du tête de nègre et puis voilà. Je n'ai trempé l'écheveau que trois fois hier, dans la cuve d'indigo; je pense qu'il lui faudrait plutôt une dizaine de trempotages pour devenir "bleu turquin".
La technique classique est d'indigoter d'abord avant de mordancer, pour de bonnes raisons techniques. Je m'autoriserai à repasser l'écheveau marron foncé dans l'indigo. Ce soir, j'essaierai avec un écheveau de laine.
Pour extraire la garance:
Je passe l'écheveau indigoté aluné dans un bain de fixatif (6a) pour bloquer le mordançage. Je rince un peu. Je le trempe dans le bain de garance, en gardant deux bouts hors du bain pour pouvoir me rappeler le ton de bleu. Je laisse cuire 30 minutes. C'est de la cordifolia de chez michelgarcia.fr, qui supporte les hautes températures.
J'ai sous la main 5g de ruban de mohair aluné il y a des lunes. Il me servira pour tester le noir sur fibre animale. Je le teindrai en rouge et jaune/vert aujourd'hui..
J'ai utilisé hier de la gaude (peu) et de l'extrait de chlorophylle (beaucoup) pour teindre une étamine de laine. Il reste un peu de couleur dans le bain. La recette classique demande du jaune en 3ème couleur, mais j'aimerais voir l'effet du vert qui n'est finalement qu'une déclinaison du jaune.
Je réchauffe ce bain pour la suite: je sors l'écheveau de la garance, je la trempe dans le vert-jaune, en gardant les bouts bleus hors du bain. Je laisse à frémissement pendant 30 minutes.
Résultat: marron foncé, comme prévu. Demain, je replonge dans l'indigo quelques fois. Espoir de noir.
Les 5g de mohair sont teints dans un mélange de garance cordifolia et de jaune/vert de chlorophylle. 30 minutes, puis bain d'indigo de 5 minutes: j'obtiens un grenat mirifique. Rebain d'indigo 20 minutes: grenat encore plus beau, si c'était possible. Bizarre, car jusqu'ici la cordifolia suivie d'indigo me donnait du brun sur laine. Bizarre, aussi, car après 3 passages de dix minutes, dans une cuve pourtant active, le grenat reste grenat.
Dans le lot, j'ai décati hier matin un écheveau de viscose brun foncé, acheté dans une fin de fonds (héritage tisserande), chez Catami à Charleroi. J'ai en stock un kilo de brun foncé, un kilo de pêche abricoté; les fils étant fins (12 tours/cm), je pourrai tisser de longs métrages. Jolis tons, mais je vais vite me lasser. Je compte teindre une série de ces écheveaux d'orangés clairs en vert, en rouge, en beige même, en indigo bien sûr. Ici, je teste le brun foncé dans une cuve d'indigo, dans l'espoir de noir.
Après un passage de 15 minutes dans la cuve forte, il me semble bien noir. Je teste sur un fil de 60cm, séché au sèche-cheveux à la va-vite. Je l'ai ensuite bouilli en eau savonnée pour vérifier la tenue de l'indigo. S'il avait pâli, on partait pour plusieurs trempages.
Test réussi, je pourrai préparer plusieurs écheveaux de cette viscose brune pour en faire du noir.
Demain, je n'aurai plus qu'à teindre en jaune, vert, rose, mauve, beige, marron, rouge, etc. les écheveaux alunés et ceux qui étaient bleus et alunés. Ensuite, je récupérerai tous les écheveaux teints qui auront attendu sur une corde à linge. Je les trempe tous dans une grande casserole de dix litres d'eau savonneuse (savon de Marseille en copeaux, chlouc de vinaigre), portée à ébullition. Je garde à frémissements pendant dix minutes.
Je rince à l'eau très chaude. Ce ne sont que des cotonlins, de la soie, de la viscose, je peux essorer et sécher immédiatement. Si j'avais de la laine dans le tas, je devrais rincer à la même température que le bain de bouilli. Et laisser refroidir dans l'eau de rinçage avant de remuer la laine pour l'essorer et la sécher. Dès que la laine (surtout le mérinos que je file) dépasse les 40°C, ses écailles s'ouvrent et le mouvement, même doux, la ferait feutrer. Pour le cas de la laine, je passe dans un dernier à peine bain vinaigré.
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