Slow-dye

Teintures naturelles pour les curieuses et les flemmardes

Marteler des feuilles: impression première

3.7.2015 Première activité pour découvrir le travail en teinture du tissu et comprendre ce qu'est un tanin: marteler des feuilles glanées.
27.12.24 Le contenu du billet est désormais repris dans le billet récapitulatif "Les tanins", amorce de la série pour Slow-dye: teintures naturelles pour les curieuses et les flemmardes (le livre)


On pourrait marteler n'importe quelle fleur ou feuille sur un tissu. Sans plus. Pas de révélateur, pas de fixatif. On se doute que ce sera un travail éphémère, les couleurs vont passer avec le temps. Il vaut mieux travailler avec des feuilles. Pour éterniser votre oeuvre, vous tremperez le tissu dans une solution de fer, qui, révélant en noir les tanins de la plante, la fixera. On produit ainsi un fantôme-dentelle de la plante en noir sur fond de coton.

J'adore cette technique pour les enseignants, car c'est la plus low-tech de la teinture végétale, c'est le cours nr 1 généralement. Les sacs et mouchoirs et étoles ainsi imprimés font un effet boeuf. Si simple, pourtant!

 


photo arsherbarium.com
Retour aux sources, se réapproprier son environnement, explorer les teintures locales...

photo arsherbarium.com

On peut aussi annoncer faire du "tataki-zome japonais" (du verbe tataki, marteler, et zomé, teindre). La méthode est simplissime:

  • Prendre une planche de bois bien lisse, un maillet et un bout de tissu, comme des carrés de coton assez fin, bien lavés si neufs.

    NB j'ai testé étamine de laine, la toile de lin épaisse, le molleton: ça ne prend pas bien le transfert de feuilles, mais vous êtes libres de jouer évidemment. Sur papier ça prend bien à condition d'avoir du papier non traité, genre aquarelle.

  • un matelas en mousse pour ceux qui n'aiment pas le bruit (en le plaçant sous la planche, ça casse moins les oreilles)
  • du ruban de peintre large  pour fixer la feuille si vous êtes méticuleux
  • des pinces à linge pour sécher votre oeuvre
  • Se balader au jardin, cueillir une feuille par arbuste et marteler la feuille sous le tissu, l'envers de la feuille vers le haut.
    Les feuilles doivent être fraîchement cueillies - la veille grand maximum, et conservées dans un sac plastique humidifié.
    les tanins sont dans le jus. Trop sec: plus de jus, plus d'impression. Logique, hein...
  • C'est déjà beau tel quel. Pour révéler s'il y a des tanins, tremper le tissu dans une solution de fer, froide ou tiède (5g, ou 1 cuill. café, de sulfate de fer par litre d'eau).
  • Les plantes riches en tanin se révèleront en dessins plus ou moins noirs. Les autres traces resteront vertes, mais fugaces: la chlorophylle va vite se barrer.
  • Lavez au liquide vaisselle, tout simplement. Si vous comptez teindre ensuite, n'oubliez pas que le bain de fer assourdit les couleurs, les "grise".


Noter les sources. Pour se rappeler les sources de martelage: soit une photo avec smartphone, soit un marqueur indélébile. Le chic du chic: extraire du jus d'une plante à tanins, écrire le nom qui ne se révèlera qu'au bain de fer. Pour extraire le jus, je passe les feuilles à l'extracteur Jazz max. On peut aussi en marteler plusieurs dans un bas nylon et récupérer le jus. Ecrire avec la tige comme pointe de crayon.

Le sulfate de fer s'achète en jardinerie, c'est un produit courant. Les sultates sont très solubles dans les liquides, protégez-vous de gants sinon ça se dilue via la peau vers le sang! Le fer n'est pas un poison, l'excès de fer l'est.
Sans acheter du sulfate de fer : préparer une soupe vinaigrée de clous (prend quelques jours, ne s'improvise pas ...)

Inspiration

Pour vous inspirer, je partage quelques photos du projet de mon amie Marie, pour l'expo "Gravures" en novembre dans ma petite ville. Elle a créé des "silhouettes" (càd des ensembles textiles à porter, ai-je appris chez les stylistes) en utilisant cette technique sur de vieilles chemises de sa grand mère ou des tissus anciens de récup qu'elle coud en vestes. Comme c'est cohérent: se reconnecter aux choses simples et à la nature en se reconnectant à nos ancêtres...

 



Mes essais dans l'ordre

3 juillet 2015. Je ne trouve plus les photos de magnolia Little Susan, rosier jaune (sorte ?), acer palmatum nain, hibiscus, hortensia, prunus cerasifera nigra (arbre de la rue, déjà noir avant le jus de fer), millepertuis en couvre-sol. Mais j'ai tout pris ou quasi de notre tout petit jardin...

fatsia japonica  

herbes décoratives - oublié le nom

yucca


noisetier tortueux

ancholies aquilegia


alchemilla mollis,


fougère 1 (nom?)

fougère 2 (nom?)

mes chères feuilles d'acanthe

laurier haie



Dans mon jardin...

  • ce qui n'a rien donné en empreinte de tannins : le fatsia japonica, le yuvcca, le philadelphus, l'hortensia, l'hibiscus - l'acanthe a carrément fondu?
  • ce qui a donné moyen : l'acanthe, la fougère 1 et 2
  • ce qui a donné gris foncé ou noir : rosier, magnolia, prunus, noisetier tortueux, hypericum couvre sol, alchemilla mollis, mûrier, framboisier.

Outre que je pourrais m'amuser à me faire un herbier en tissu, je pourrais les cuire pour en extraire les tannins, utiles à mordancer mes tissus, quand je suis à court de matière première.

Ce n'est pas de l'ecoprint

Ce martelage n'est pas de l'ecoprint (pratique qui ne mérite pas le nom d'éco, d'ailleurs, vu que c'est antiécologique sur bien des plans). Chacun choisit selon son affinité. Je souhaite un travail durable et qui résiste aux modes. Je ne fais pas d'ecoprint.

 


Photo extraite d'une page du blog lejournaltextile.org

Délicieux travail d'une artiste brodeuse. On voit bien sur le projet qu'il n'y a pas de tanins, rien de noir ou même gris foncé. Cela tiendra le coup dans un livre, bien fermé. Les fleurs ont donné leurs couleurs éphémères; les plantes ont donné leur sang, càd leur chlorophyle, fugace.
Mais dès que la lumière et le temps interviendront, tout cela se transformera en belles taches. Eh oui, comme les taches indélébiles de jus de framboise sur votre beau tablier. Vous l'avez bien lavé, souvent, et vous voyez bien qu'il ne reste que des taches grises, n'est-ce pas? Pour maintenir ces couleurs, il faudrait un fixatif. Et personne n'en a encore trouvé pour les anthocyanes des fleurs et la chlorophyle.

Si cette voie-là vous tente, rendez-vous chez l'artiste pour d'autres photos de ses exquises réalisations.


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