Slow-dye

Teintures naturelles pour les curieuses et les flemmardes
  

Tanins, mon résumé d'amateur

27.12.2024 Récapitulatif de mes notes autour des tanins

23.1.2025 A ce jour, cette page récapitulative inclut tous les brouillons depuis 2014, mais il manque des liens, des photos, des bouts de phrase. Bientôt, elle sera finalisée et structurée en un pdf interactif, fascicule nr 12 de Slow-dye: teintures naturelles pour les curieuses et les flemmardes



 

Rappel aux nouveaux arrivants: ceci n'est pas un tuto, inscrivez-vous à des ateliers pour cela. Je partage mes notes de stage ou de lecture. Rien ne garantit que je ne loupe pas une étape au sein de mes notes...
Sommaire. Marteler des feuilles: faire une bonne première impression (Inspiration - Mes essais dans l'ordre - Ce n'est pas de l'ecodye) - Où sont les tanins? - Tanins entiers ou en extrait? - Sources fiables pour des teintures fiables (Pour une fois, pas Maiwa - Chez Jenny Dean) -




Si je devais donner cours de teinture à un tout-novice, je commencerais par lui faire comprendre le concept de tanins, avant même de teindre en couleur, car ils sont essentiels en teinture sérieuse (ils serviront entre autre au mordançage et au nuançage vers les noirs). Quoi de mieux que la technique de marteler les feuilles de son environnement proche pour voir (ou non) les tanins se révéler en bain de fer?

Marteler des feuilles: faire une bonne première impression

Retour aux sources, se réapproprier son environnement, explorer les teintures locales... Première activité pour découvrir le travail en teinture du tissu et comprendre ce qu'est un tanin: marteler des feuilles glanées.

On pourrait marteler n'importe quelle fleur ou feuille sur un tissu. Sans plus. Pas de révélateur, pas de fixatif. On se doute que ce sera un travail éphémère, les couleurs vont passer avec le temps. Il vaut mieux travailler avec des feuilles. Pour éterniser votre oeuvre, vous tremperez le tissu dans une solution de fer, qui, révélant en noir les tanins de la plante, la fixera. On produit ainsi un fantôme-dentelle de la plante en noir sur fond de coton.

J'adore cette technique pour les enseignants, car c'est la plus low-tech de la teinture végétale, c'est le cours nr 1 généralement. Les sacs et mouchoirs et étoles ainsi imprimés font un effet boeuf. Si simple, pourtant!

 


photo arsherbarium.com


S'inspirer du merveilleux travail de Sandrine de Borman:

photo arsherbarium.com

On peut aussi annoncer faire du "tataki-zome japonais" (du verbe tataki, marteler, et zomé, teindre). La méthode est simplissime:

  • Prendre une planche de bois bien lisse, un maillet et un bout de tissu, comme des carrés de coton assez fin, bien lavés si neufs.

    NB j'ai testé étamine de laine, la toile de lin épaisse, le molleton: ça ne prend pas bien le transfert de feuilles, mais vous êtes libres de jouer évidemment. Sur papier ça prend bien à condition d'avoir du papier non traité, genre aquarelle.

  • un matelas en mousse pour ceux qui n'aiment pas le bruit (en le plaçant sous la planche, ça casse moins les oreilles)
  • du ruban de peintre large pour fixer la feuille si vous êtes méticuleux
  • des pinces à linge pour sécher votre oeuvre
  • Se balader au jardin, cueillir une feuille par arbuste et marteler la feuille sous le tissu, l'envers de la feuille vers le haut.
    Les feuilles doivent être fraîchement cueillies - la veille grand maximum, et conservées dans un sac plastique humidifié.
    les tanins sont dans le jus. Trop sec: plus de jus, plus d'impression. Logique, hein...
  • C'est déjà beau tel quel. Pour révéler s'il y a des tanins, tremper le tissu dans une solution de fer, froide ou tiède (5g, ou 1 cuill. café, de sulfate de fer par litre d'eau).
  • Les plantes riches en tanin se révèleront en dessins plus ou moins noirs. Les autres traces resteront vertes, mais fugaces: la chlorophylle va vite se barrer.
  • Lavez au liquide vaisselle, tout simplement. Si vous comptez teindre ensuite, n'oubliez pas que le bain de fer assourdit les couleurs, les "grise".

 

Retenir que l'on ne martèle que des plantes à tanins, si l'on veut un résultat durable. Des bricoleurs s'amuseront à marteler des pétales. Qu'ils s'amusent. Ce n'est pas de la teinture, ce ne sera pas durable. Le tatakizome consiste à marteler des plantes à TANIN.

 

Après martelage: traces diverses; on trempe le tissu dans de l'eau additionnée de fer pour révéler les tanins

Noter les sources. Pour se rappeler les sources de martelage: soit une photo avec smartphone, soit un marqueur indélébile. Le chic du chic: extraire du jus d'une plante à tanins, écrire le nom qui ne se révèlera qu'au bain de fer. Pour extraire le jus, je passe les feuilles à l'extracteur Jazz max. On peut aussi en marteler plusieurs dans un bas nylon et récupérer le jus. Ecrire avec la tige comme pointe de crayon.

Le sulfate de fer s'achète en jardinerie, c'est un produit courant. Les sultates sont très solubles dans les liquides, protégez-vous de gants sinon ça se dilue via la peau vers le sang! Le fer n'est pas un poison, l'excès de fer l'est.
Sans acheter du sulfate de fer : préparer une soupe vinaigrée de clous (prend quelques jours, ne s'improvise pas ...)

Inspiration

Pour vous inspirer, je partage quelques photos du projet de mon amie Marie, pour l'expo "Gravures" en novembre dans ma petite ville. Elle a créé des "silhouettes" (càd des ensembles textiles à porter, ai-je appris chez les stylistes) en utilisant cette technique sur de vieilles chemises de sa grand mère ou des tissus anciens de récup qu'elle coud en vestes. Comme c'est cohérent: se reconnecter aux choses simples et à la nature en se reconnectant à nos ancêtres...

 





Mes essais dans l'ordre

3 juillet 2015. Ci-dessous, ce que j'ai testé comme sources de tanins, par martelage.

Je ne trouve plus les photos de magnolia Little Susan, rosier jaune (sorte ?), acer palmatum nain, hibiscus, hortensia, prunus cerasifera nigra (arbre de la rue, déjà noir avant le jus de fer), millepertuis en couvre-sol. Mais j'ai tout pris ou quasi de notre tout petit jardin...

fatsia japonica 


herbes décoratives - oublié le nom, on se doute qu'il n'y a pas de tanins


yucca


noisetier tortueux


ancholies aquilegia

- pas de tanins, oeuf corse


alchemilla mollis,



fougère 1 (nom?)


fougère 2 (nom?)

 

mes chères feuilles d'acanthe


laurier haie

Dans mon jardin...

  • ce qui n'a rien donné en empreinte de tannins : le fatsia japonica, le yucca, le philadelphus, l'hortensia, l'hibiscus, l'herbe bien sûr - l'acanthe a carrément fondu?
  • ce qui a donné moyen : la fougère 1 et 2
  • ce qui a donné gris foncé ou noir : rosier, magnolia, prunus, noisetier tortueux, hypericum couvre sol, alchemilla mollis, mûrier, framboisier.

Outre que je pourrais m'amuser à me faire un herbier en tissu, je pourrais les cuire pour en extraire les tannins, utiles à mordancer mes tissus, quand je suis à court de matière première.

Ce n'est pas de l'ecodye

Ce martelage n'est pas de l'ecodye (pratique qui ne mérite pas le nom d'éco, d'ailleurs, vu que c'est antiécologique sur bien des plans). Chacun choisit selon son affinité. Je souhaite un travail durable. Je ne fais pas d'ecodye.


Photo extraite d'une page du blog lejournaltextile.org

Délicieux travail d'une artiste brodeuse. On voit bien sur le projet qu'il n'y a pas de tanins, rien de noir ou même gris foncé. Cela tiendra le coup dans un livre, bien fermé. Les fleurs ont donné leurs couleurs éphémères; les plantes ont donné leur sang, càd leur chlorophyle.
Mais dès que la lumière et le temps interviendront, tout cela se transformera en belles taches. Eh oui, comme les taches indélébiles de jus de framboise sur votre beau tablier. Vous l'avez bien lavé, souvent, et vous voyez bien qu'il ne reste que des taches grises, n'est-ce pas? Pour maintenir ces couleurs, il faudrait un fixatif. Et personne n'en a encore trouvé pour les anthocyanes des fleurs et la chlorophyle.

Si cette voie-là vous tente, rendez-vous chez l'artiste pour d'autres photos de ses exquises réalisations.

Où sont les tanins?

Il est crucial de connaître ses sources de tanin, en tant que glaneur, car ils sont essentiels en mordançage. Les tanins permettent aussi de révéler des gris et des noirs quand on le combine avec du fer. Ils sont utiles pour évaluer si une eau est riche en fer (voir le test).

Je note ci-dessous les catégories telles que je les ai apprises, mais il semble

Catégories:

  • galliques
    fonds incolores
    noix de galles, tara, sumac
    riche en tanin gallique : févier d’Amérique gleditsia triacantha (pluie d’or)
    peuvent produire de beaux verts avec l'indigo

  • ellagiques
    fonds jaunes, ne sont pas aussi puissants que les galliques
    ombrétacées (??) myrobolan en Inde (20-30% PDF ), grenade au Maghreb, chêne, châtaigner, bois jaune (fustic), Njalama anogiosus ?? en Afrique

  • catéchiques
    fonds beiges rose, se révèlent à la lumière
    cachou, campêche (peu), quebracho, kaik (persimmon), feuilles de thé, avocat, eucalyptus, rosacées (pomme poire pêche ronce fraisier (feuilles aussi ou seulement écorces ?), se fixent bien sur coton
    Tanins catéchiques teignent en rougeâtre brunâtre et se révèlent par photosensibilisation; quid efficacité mordant ? Il y a un peu de tanin catéchique dans campêche, qui donne le brunâtre par oxydation dans un bain de chaux
    Champion de tanin catéchique : racine de renouée bistorte, racine de fraisier (check??)

Tanins entiers ou en extrait?

De plus en plus, les teinturiers ont recours à l’acide tannique acheté en commerce spécialisé: c'est une forme de tanins déjà extraits, ce qui économise la demi-heure de chauffe au début de la manœuvre et qui évite de stocker de grandes quantités de matière. On peut choisir du tara, de l'acide gallique, etc. Si l’on préfère récolter des sources entières, quels sont les équivalents? Selon Liles, 30g d'acide tannique pour son volume classique de 500g de fibres (soit 6% PDF ):

  • 120g sumac séché (24%) ,
  • 240g sumac frais (48%),
  • 60g cachou ou poudre de tara (12%) ,
  • 280g de galles (56%).

Je récupère les nettoyages de mûrier au potager, je les broye au broyeur de jardin et j'en fais du tanin en les cuisant assez longtemps. Je compte 100% PDF.

 

Colorants riches en tanins

Le cachou et les noyaux d'avocats, colorants couramment utilisés en hobby, sont des types de teintures riches en tanins, qui se révèlent lors de l'oxydation hors du bain. Ils rougissent. A mon expérience, les fibres sont plus rousses si je mordance à l'alun auparavant (cela révèle des flavonoïdes?). Je préfère les mener en extraction alcaline à froid, d'ailleurs.

Chez Green-ingredients.com, une photo comparative de colorants riches en tanins comme le cachou, avec et sans mordant (alun?):

Tanins et fer

Voir chez Sandrine, de Tricofolk, un pas-à-pas détaillé pour teindre des fibres en gris et noirs. "Attention, la recette qui suit utilise une forte concentration de sulfate de fer, qui abîme les fibres animales. Le résultat est d’ailleurs bien meilleur sur les fibres végétales.".
75% noix de galle et 50% de sulfate de fer.

chez Sandrine, de Tricofolk: "Résultat après 2 aérations. A gauche sur le lin blanchi, au centre sur le coton, à droite sur la laine. "
 

Sources fiables pour des teintures fiables

Ce qui précède sont mes notes personnelles, d'amateur. Je vous invite à suivre des stages en direct: voir d'autres adresses sur la page récapitulative Sources fiables pour des teintures fiables

 

Pour une fois, pas Maiwa

Je cherchais une vidéo pour terminer la page, en combinaison avec le billet didactique de Jenny Dean ci-dessous. Autant j'adore le travail de Maiwa School of textiles, autant je ne peux relayer leur atelier sur les tanins, les oxydes et l'indigo, par une externe. Dans la famille hypermoche, je demande la grand mère:


Quelle idée d'abîmer de si beaux tissus! ça m'arrache les yeux, c'est trop hideux (et je donne le droit à l'animatrice de me renvoyer le même qualificatif, bien sûr; ce serait de bon droit). On dirait du bundle-deying. Yiiiks.

 

Teindre en tanins et fer chez Jenny Dean

Je continue à terminer mes billets par des liens vers de merveilleux teinturiers sérieux, pour vous stimuler à leur rendre visite. L'une d'entre elles est Jenny Dean, aussi auteur de quelques livres.

Extrait d'une des multiples ravissantes et riches pages , en décembre 2019: ses élèves ont esté des sources de tanins. "Focus on tanin".

Toutes les photos sont de Zuzana Krskova.


écorce de bouleau - on repère les doux tons rosés
gauche à droite: sans post-bain modificateur, + acide, + basique, + cuivre, + fer
fibres du haut en bas: lin, coton, soie (et quelques post-bains)

 


écorce de cerisier - rosés idem
gauche à droite: sans post-bain modificateur, + acide, + cuivre, + fer


écorce d'orme
gauche à droite: sans post-bain modificateur, + acide, + basique, + cuivre, + fer


écorce d'aulne

 


galles de chêne et fer

 

 


 

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