19.11.15 Projet de billet pour illustrer que certaines rumeurs ont la peau dure, rayon teintures végétales. Je risque de heurter, oh pardon.
Henri Michaux: "Je mets une pomme sur la table, je me cache sous la pomme. Quelle tranquillité!"
Ce n'est pas facile de réfléchir autour des techniques naturo tant qu'on n'a pas compris le monde comme il va aujourd'hui: en nutri j'écrivais que le business de l'alimentaire actuel prospère sur les critères de "facile, rapide, immédiat, confortable" pour le consommateur. Lisez les initiales: FRIC.
Cela se paye parfois cher en santé, de vouloir manger "facile rapide immédiat confortable". On ne le sent pas tout de suite, mais ça s'installe petit à petit et ça érode nos piliers intérieurs. A un moment, un sursaut: j'en sors, je veux pas me laisser phagocyter. Je cuisine moi-même, j'achète des produits non manufacturés (ni finis ni semi finis), etc.
Cela peut être aussi rapide et facile de cuisiner hors additifs. J'ai développé le concept de cuisine minimale, qui consiste à ne passer que 2 heures en cuisine un jour de la semaine pour préparer ses bases. On ne doit pas être attachée aux fourneaux pour autant... sauf si on aime, bien sûr.
En teinture naturelle, même topo: f r i c règne en maître. Normal, c'est un hobby pour la plupart. On ne se donne pas le temps de ses hobbys - c'est surtout le cas pour un hobby de femmes, débordées par leur quotidien boulot/ménage. On pare alors au plus pressé. Vite je n'ai qu'une demi-heure, que faire?
En outre, on n'est pas assez bien informés sur les teintures, si l'on veut se positionner hors du facile-rapide-immédiat-confortable, si on veut "penser sa teinture", en gros. .
"On trouve beaucoup sur le ouaibe!". Ah oui? Les sites les plus actifs et les plus visibles sont ceux qui ont le plus à gagner dans l'affaire: les personnes qui commercialisent des produits ou des stages, qui peuvent se payer des campagnes google adwords ou youtube pour apparaître en premier dans ces moteurs de recherche.
Certes, deux trois péquenots comme moi n'emploient pas google délibérément; mais bien des moteurs confidentiels qui respectent notre vie privée (comme https://ixquick.com). Mais quasi tous mes interlocuteurs sont googlifiés, donc réduits dans l'horizon d'infos..
Ou alors on se laisse porter par des clics via facebook, surfant d'un passionné sérieux à un gignolo en passant par un... autre commerçant. Ou quelqu'un qui a les moyens. On peut facilement acheter des amis facebook twitter & Cie, mais il faut vouloir payer 50 à 100€ pour 2500 amis ou 5000 followers twitters, etc. Plus on a d'amis plus on est référencé... Quand on vend des conférences d'une matinée à des milliers d'euros, pourquoi pas? Quand on est un petit indépendant à la retraite belge, on est moins doté...
Il en faut du discernement!
Mon sujet: non, les teintures végétales ne sont pas difficiles à mener. Il faut penser un peu différemment.
Par exemple, il faut connaître les catégories de produits colorants plutôt que penser en couleur: suis-je en train d'utiliser une source de flavonoïdes, d'anthocyanes, de quinones...? Dans le cas de la gaude, de la rose trémière, du henné... Est-ce un colorant substantif (qui ne demande pas de mordant)? Car la "recette" pour extraire le colorant et le fixer sur la fibre est quasi la même pour tous les produits, par catégorie.
Ce n'est donc pas pédant que de chercher à se repérer en catégorie, quand on n'est pas chimiste. C'est juste hyper pratique!
Même pour teindre en bleu avec une cuve d'indigo, ce n'est pas difficile comme on me l'a bassiné quand j'ai commencé.
Il faut d'abord comprendre si on veut mener une cuve de réduction ou de fermentation (la première est facile à mener, la seconde plus traditionnelle et plus poétique demande de la finesse d'observation).
Il faut ensuite choisir si l'on utilise l'hydrosulfite classique comme réducteur ou si l'on suit Michel Garcia dans sa recette "organique 123" (cette dernière est plus tolérante que la première, moins toxique).
Et enfin, comprendre ce qui se passe dans la cuve pour pouvoir la mener par le bout du nez (voir le récent billet ad hoc).
Je reviens toujours à Michel Garcia car en francophonie c'est tout de même lui qui a fait ce travail de grande vulgarisation. Voir sur son site comment il en est arrivé à développer cette cuve: "La question du mois d' Avril: La cuve d'indigo 1-2-3"
Ceci dit, en teinture synthétique, on ne peut pas non plus se permettre de ne pas penser. il faut savoir quelle teinture utiliser pour quelle fibre à quelle température: les teintures acides, les teintures directes, les teintures réactives, etc.. On peut bien foirer son bain quand on ne prend pas le temps de découvrir sa nouvelle famille. Par exemple, que de sous perdus quand on suit la mode de teindre avec des teintures synthétiques "multifibres", mélange tout-en-un bien moins efficace dans ses résultats que les teintures réactives ou acides.
Le seul cas où je peux voir que la teinture naturelle est difficile et aléatoire: si on choisit d'être un teinturier glaneur explorateur et de cueillir des plantes proches de chez soi ou de récupérer des déchets chez un agriculteur, un restaurateur, un distillateur, etc. ET si on ne fait pas partie d'une guilde de glaneurs (lançons cette idée!), glaneurs-amis qui auraient déjà procédé aux tests.
Les teintures végétales ne sont pas difficiles si l'on choisit de suivre des recettes éprouvées mais modernisées, encore plus aisé si l'on choisit la voie des extraits colorants.
Employer des extraits colorants épargne l'étape de devoir préparer un bain de teinture en extrayant la couleur. On n'a plus qu'à tremper la laine dans un bain chaud colorant et bimps!
Bon, allez d'accord, pour certaines couleurs on devra mordancer la fibre auparavant, ce qui n'est tout compte fait pas plus compliqué que la procédure utilisée par les teinturières amateurs de colorants alimentaires, qui font tremper la laine dans de l'eau vinaigrée avant de teindre.
Pour ceux et celles qui, malgré mon discours ci-dessus, ne veulent que teindre sans étudier les bases, j'ai prévu dans ce tome des fiches simples, à suivre à la lettre.