Un écheveau ou une chaîne en multicolore: teindre ou filer

27.12.24 Mon résumé d'amateur pour produire des échevaux ou une chaîne multicolores.
6.1.2025 A ce jour, cette très longue page inclut tous les brouillons, il manque des liens, des photos, des bouts de phrase. Bientôt, elle sera finalisée et structurée en un chapitre en pdf interactif de Slow-dye: teintures naturelles pour les curieuses et les flemmardes

Rappel aux nouveaux arrivants: ceci n'est pas un tuto, inscrivez-vous à des ateliers pour cela. Je partage mes notes de stage ou de lecture. Rien ne garantit que je ne loupe pas une étape au sein de mes notes...

 

Si je veux produire des effets multicolores en séquentiel (space-dyed = teint par zones), en teintures naturelles, j'ai plusieurs techniques à disposition:

• Teindre par zones en trempage (écheveau)
• Teindre en bi ou tricolore, par réserve physique ou chimique
• Ikat (tissage)
• Filage séquentiel à la source
• Illustration pratique: teintures pour un filage arc-en-ciel
• Teindre une chaîne en version classique (space-dyed)
• Gels colorants, teinture par application sur écheveau
• Gels de mordants, application sur écheveau
• Teindre un écheveau en portions de chaîne (tissage)
• Du presque ikat en chaîne
• La théorie des couleurs d'Itten en tissage
• Tisser des chaînes peintes: choix des couleurs avec Tien Chu
• Simulateurs de couleurs en ligne

Ce billet est indirectement lié à mon résumé sur les pâtes d'impression , où l'on se concentre sur les effets graphiques colorants sur tissus.

 

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Teindre par zones - écheveau ou chaîne

Idéalement, en tissage, on travaillerait avec de très longues chaines les multicouleurs. Sinon, les tons complémentaires seraient trop proches dans le tissu final; on ferait "de la boue". Refrain habituel. En teignant la chaîne entière, on voit clairement la répartition des tons.

On peut aussi ne garder ces multicouleurs que pour des parties très limitées de la chaine, le restant étant uni. On ourdira alors une toute petite partie de chaîne (une "phrase") à teindre par zones, le reste étant teint classiquement. On peut pratiquer sur écheveau, mais ça demande une petite théorisation.

La première solution pour teindre en séquentiel (écheveau ou chaîne) est la plus évidente: on trempe un écheveau mordancé à l'alun en partie dans une casserole de colorant 1, pendant que l'autre baigne dans un bouillon de produit 2 - garance et gaude, par exemple; les zones communes seront orange. On peut ensuite tremper des bouts de cet écheveau dans une cuve d'indigo pour des grenats et des verts, aux extrémités.

Ou on pratique ainsi dans des weks/Le Parfait. Je peux faire tenir 3 weks dans une grande casserole. Je peux teindre en jaune, en vert et en bleu de campêche dans chaque wek, qui restera bouillant, la casserole sur le feu. La chaîne à tisser est alors comme un serpent lové dans 3 weks. Je ferme les couvercles des weks sans les serrer. Je cuis 20 à 30 minutes, à petit feu.

Voir illustration:

$$IMG

On peut aussi jouer de la réactivité des colorants aux mordants : on trempe certaines parties de l'écheveau ou de la chaîne dans un bain ferrique, d'autres au titane, les dernières à l'alun et enfin d'autres encore au fer ET à l'alun. Comme on le verra plus loin, on peut aussi tamponner sous forme de gel (ou pâte de mordant). On sèche, on fixe, puis on teint ensuite dans un bain d'un seul colorant, qui révèlera des tons différents selon les parties d'écheveau.

 

2015. laine Herbalana en bain nr 3 de garance tinctorium, puis indigo 123 deux très courts trempages. Séché, puis bain de rinçage vinaigré avant de laver

 

J'ai procédé ainsi sur deux chaînes complètes de tissage, crochetées pour la facilité de photo, mais décrochetées pour la teinture en multiples bains. En voici deux, repliées sur elles-mêmes (+- 3 mètres chacune):

Les mauves et roses au milieu avaient été laissés blanc lors du multitrempage. J'ai appliqué des gels de campêche/bouleau et de cochenille, puis vaporisé au cuit-vapeur pendant 45 minutes.

Teindre en bi ou tricolore, par réserve physique ou chimique

On peut pratiquer des réserves physiques ou chimiques.

• Physiques: c'est le shibori bien connu (ou "tie-dye" à l'africaine). On noue, on fronce, on serre entre deux planches ou on roule sur un cylindre avant de teindre. Des zones cachées ne seront pas atteintes par la teinture. Mon résumé perso.
• Chimiques: la formulation dépend de la teinture. La réserve la plus connue est le batik, à la cire

Je me concentrerai ici sur les réserves chimiques (resists en anglais). Pour l'indigo, par exemple, Michel Garcia propose de préparer "en dissolvant 80g de gomme arabique dans 200ml d’eau, avant d'ajouter 40g d’argile bentonite" (source: son compte facebook, 2021). Une autre recette ici, avec sulfate de magnésium.

John Marshall utilise pour l'indigo une pate de nori. Les ingrédients qu'il trouve au Japon sont absents chez nous. La procédure est longue comme un jour sans pain, pardon sans riz... On la trouve chez Maiwa Handprints, en détail.

On pourrait en constituer une version wallonne, en test: de l'amidon Rémy (repassage) ou de la maïzena, cuit en pate collante, puis additionné de cristaux de soude dilués. Et pourquoi pas une version moderne: de l'alginate de soude en réserve, qu'on diluerait ensuite en bain alcalin? Je dois faire encore des recherches, j'utilise peu les réserves. En réalité, traditionnellement, les réserves physiques étaient pour l'indigo en cuve (Michel Garcia partage la recette ad hoc). Pour les autres couleurs, on pratiquait des mordançages en pâte d'impression.

Ikat

Un tisserand peut jouer aussi sur le fil de chaîne déjà ourdie en mode ikat: on peut générer des chaines bicolores (souvent bleu/blanc) par réserve physique, en enfermant les zones à protéger de la couleur par des noeuds très serrés. C'est l'ikat de chaîne. Si on pratique ainsi sur un écheveau, c'est de l'ikat de trame. En shibori, on fait quasi pareil mais sur un tissu fini.

Les zones liées empêchent le mordant et la couleur de pénétrer. Quand l'écheveau ou la chaîne sont trempés dans le bain voulu, le fil sortira zébré selon l'ordre des liens.

La plupart des tisserands se plaignent de chiffonner leur longue chaîne lors de cette opération (tout comme c'est possible en peinture de chaine classique) - opération qui prend alors bien plus de temps que prévu puisqu'il faut réourdir tout le bazar chiffonné. Bonnie Tarse a inventé une solution de "presqu"ikat" qui règle ce problème. Voir dans le billet ad hoc.

 

 

Filage séquentiel à la source

Filer est mon mode de méditation quotidien ou quasi. J'aime en particulier filer la soie en ruban, que je file en séquentiel. Si vous êtes filandière, voici une autre possibilité.

 

Pour les laines et soies filées main, je privilégie le filage séquentiel, que j'aime appeler filage en arc-en-ciel : j'alterne tous les 2 mètres de fil environ un autre ruban, je retords en navajo (3fils, ce qui me fera une longueur par couleur d'environ 70cm). J'obtiens ainsi un fil multicolore qui vibre beaucoup plus que ceux qu'on obtient avec les techniques précédentes. C'est laborieux, c'est long, mais c'est joyeux!

Je l'utilise de préférence pour la trame, jusqu'ici. Le jeu des couleurs est moins choquant qu'en chaîne, comme on le voit ci-dessous, dans les explications de Tien Chu - ses exposés sont d'une limpidité telle sur la couleur comme j'en ai lus peu sur le net.

 

 

Exemple de filage séquentiel sur soie

Mes teintures d'un week-end en atelier, sur rubans de soie maulbère, à partir de gaude, campêche/bouleau , cochenille et garance - avec ou sans fer. Les rubans de soie séchaient depuis longtemps à l'atelier, alunés. Yapluka filer, retordre et pelotonner.

La procédure en cours quand je file: j'ai les rubans sur les genoux, je sors des couleurs au pif, je file quelques mètres, je change. Et rebelote.

Soit je retords sur fil de soie gris très fin, soit je retords en navajo.

Le fil que j'appelle multicolore séquentiel a donné les pelotes en cours, qui seront sous peu intégrées en trame dans un tissage:

 

NB: accueillez mon look pour notes internes, la photo n'est pas pour publication dans un magazine de déco!

 

 

Organiser les teintures pour un filage arc-en-ciel

J'ai reçu en prêt une cardeuse électrique à rouleau très fin. Merci à ma chère camarade Fée d'Automne! C'est un précieux prêt.

Je file du mérinos pour l'élasticité/le gonflant que je mélange avec de la soie achetée en fil ou avec des filés mains en alpaga pour sa douceur et sa chaleur; et en mohair parce que.

J'ai dû faire des photos, pour repérer quelle partie du cercle chromatique me manque, car je teins à l'instinct, comme je le sens, quand je le sens. Et surtout quand j'ai le temps. Ce n'est qu'après que je m'organise.

le merinos - il me manque les jaunes/orangés:

 

l'alpaga - il me manque les verts:

 

le mohair - il me manque les orangés et les gris:

 

 

tous ensemble maintenant, en choeur:

Et dire que je n'ai pas fini de carder mon stock déjà teint. J'ai de quoi filer tout l'hiver. Et plus, si affinités. Je ne me lasse pas de ces belles couleurs!

 

Teindre une chaine en séquentiel (space dyed) - pour tisserands

Il faut que vous connaissiez le chapitre "Encres" pour suivre cette partie.

En tant que tisserand, on aime peindre la chaîne hors du métier (rarement sur le métier): il faut d'abord ourdir la chaine, puis l'étaler pour la peindre sélectivement, soit par des aplats de couleurs (ci-dessous), soit des graphismes stricts (partie suivante). Ensuite, on la monte sur le métier et on tisse.

La technique "application sur chaîne" qui consiste à ourdir une chaine puis à la peindre demande plus d'espace et d'organisation que la teinture d'écheveaux, mais elle permet de ne pas produire de boue au final, sur tissu.

A ce jour, je n'ai vu d'exemples qu'en teintures synthétiques. J'ai adapté à ce que je connais des teintures naturelles. Le principe: on ourdit une chaîne à partir de fils mordancés; faut de quoi il faut mordancer la chaîne entière. Puis on "peint" des zones précises, on fixe, on rince.

 

LAINES SOIES - APLATS DE COULEURS. Si je dois résumer la procédure qu'utilisent les teinturiers de hobby en classique pour les chaines peintes ("painted warps") à base de teintures acides pour laines et soies, voici la synthèse - en italique le changement pour les praticiens en teintures naturelles:

1. Préparer le fil et la chaîne. On part toujours d'une chaîne qui aura été ourdie à partir de fils bien décatis, a minima 20 minutes dans un bain savonneux très chaud, puis bien rincés. Certains gardent la chaîne sous forme crochetée, au sortir de l'ourdissoir; d'autres la décrochètent.
2. Préparer le colorant, et le cas échéant le mordant
   (en teintures naturelles: on teint avec des extraits très denses, des "encres", auxquels on ajoute par sécurité de l'alun même si le fil est mordancé; p. ex. un extrait maison de 30g de sophora et 10g d'alun dans 200ml d'eau, ce qui après cuisson donnera 100ml environ - filtrer - garder en petit pot)
3. tremper la chaine dans de l'eau vinaigrée quelques heures
   (en teintures naturelles: nul besoin de ce bain; mordancer si ce n'était déjà fait sur le fil - on peut mordancer sans chiffonner la chaîne: commencer à très chaud, couvrir, éteindre le feu, laisser macérer un MINIMUM de 24 heures)
4. essorer délicatement
5. étaler sur un cellophane,
6. appliquer au pinceau les teintures mélangées à de l'acide citrique ou du vinaigre,
   NB. Les peintures sont peintes, étalées à la pipette ou versée aléatoirement, sans ajouter de gomme qui les rendrait moins fusantes.
   (en teintures naturelles: ni acide citrique ni vinaigre)
   
7. rouler le cellophane,
8. et enfin passer à la vapeur pendant au moins 45 minutes;
   ou au microondes 2 fois 3 minutes à puissance max' en laissant reposer entre chaque session.
   (en teintures naturelles: on fixe aussi à la vapeur ou au microondes, mais on peut simplement les tremper dans un bain de craie 15g/litre pour fixer; puis laisser maturer 3 semaines)

 

COTONS et LINS. Au point 2 ci-dessus, si les fils ne l'étaient déjà, il faut mordancer selon ses habitudes cellulosiques: tanins, AA (triacétate d'alumine), comme expliqué dans le chapitre ad hoc. Je n'ai pas vu de grande différence quand je comordance aux tanins, je ne pratique donc que peu cette version du mordançage, mais dans ce cas, on rince simplement, juste avant de plonger dans un bain de garance, gaude, campêche/cachou, etc. Pour AA, il faut bien sécher puis fixer.

 

Chauffe. Des teinturières américaines fixent au four, à 100°C, pendant une heure ou deux (attention de garder l'atmosphère humide). J'imagine que par temps très chaud, on pourra aussi teindre en solaire: déposer la chaine recrochetée encore humide, peinte, dans un grand bocal wek/Le parfait, fermer hermétiquement. Jamais essayé, mais quid de l'humidité ambiante? On ne peut rajouter de l'eau, les effets colorés fondraient. J'adapterai par jeu à ma version de teinture solaire d'hiver.

Michel Garcia partage dans ses cours et sur sa page facebook un montage-bricolage pour un vaporisateur maison.

Cellophane. Le cellophane sert à protéger les contaminations de tons. Si on a choisi un camaieu de mêmes tons, peu importe les contaminations. On pourrait alors placer la chaine roulée en serpent dans un plat, le couvrir et cuire au microondes. Je travaille des chaines courtes de max' 3 mètres, je pourrais les rouler en serpentins dans le panier du cuit-vapeur en les séparant soigneusement et ne pas les couvrir de cellophane. Pour éviter que des gouttes ne tachent le travail, je dépose un papier sulfurisé sur les serpentins. Papier que je réutilise à l'infini pour les teintures, mais pas en cuisine.

J'utilise peu le cellophane, puisque je vaporise dans un cuit-vapeur plutôt qu'au micro-ondes. Je récupère donc des plastiques lors d'envois par correspondance. S'ils sont un peu solides, ils ne fondront pas. Au micro-ondes, en revanche, c'est plus risqué, non?

 

Ceci est une synthèse, suivez des cours en ligne pour les détails.

Quelques images

 

Ci-dessus, une illustration chez Sandrine, de Tricofolk , pour du fil à chaussettes rayées
Les couleurs sont appliquées, il faut ensuite rouler le cellophane soigneusement, le fixer à la vapeur ou au micro-ondes, puis le rincer .
Sandrine a ici utilisé des teintures classiques Rit.

Extrait de son article:

Comme pour une chaîne en tissage, je trouve pratique de manipuler mon long écheveau sous forme de chaînette. Cela évite qu’il ne s’emmêle : il ne demande que cela, surtout pour le laver et l’essorer. Je le met donc en chaînette à mesure que je le retire de l’ourdissoir. Je défais la chaînette seulement au moment de teindre.

La partie la plus délicate mais aussi la plus exaltante vient ensuite. Le but est de poser son écheveau sur la table de façon à bien démarquer chaque portion que l’on souhaitera teindre dans une couleur donnée. Ce qui n’est pas aisé avec une si grande longueur. Surtout qu’il faudra ensuite emballer chaque zone de couleur séparément des autres pour qu’elles ne migrent pas. Je montre une façon de faire, mais il en existe d’autres, à vous de voir ce que vous préférez. Ensuite, le mode opératoire est le même que pour la méthode n°1 : on laisse aller son imagination, puis fixage de la couleur au micro-onde, 2 mn à pleine puissant, pause de 2 mn, on répète encore 2 fois. Attendre au moins 30 mn avant de déballer et rincer.

La même technique à peu près, mais cette fois-ci en anglais, à faire traduire par robot, une démonstration en image chez Tangibledaydreams. On verra qu'on peut se débrouiller avec un plan de travail bien plus court que la chaîne (chez moi elle fait souvent 3 à 4 m, chez certains tisserands 12m et plus!).
Ici: crocheter la chaîne ourdie et la laver sans trop la remuer (si laine) . Source des photos: https://tangibledaydreams.blogspot.com/2012/09/tutorial-warp-painting.html

 

Cliquez pour agrandir

Pendant ce temps, préparer un plan de travail couvert de plastique et mélanger les tons.

 

Essorer les chaines, qui restent à peine humides. Etiqueter le cas échéant. Etaler selon la taille du plan de travail, on les roulera au fur et à mesure.

 

Les chaines sont souvent trop longues pour un plan de travail standard. On roule au fur et à mesure les parties colorées, pour étaler les parties qui étaient sous la table.

 

En n'oubliant pas de couvrir de plastique, pour éviter la contamination:

 

Résultat:

Rincer, recrocheter la chaine pour qu'elle reste bien tendue.

 

Une autre façon de crocheter la chaîne.

La cuisson au microondes est courante pour les chaines peintes. Ici elle cuit à la vapeur. On pourrait aussi fixer au four, à 100°C. Le papier cellophane sert à protéger des contaminations de couleurs.

 

Selon la qualité de la peinture, on peut aussi peindre la chaine sur le métier avant de tisser; j'imagine qu'on fixe après tissage. OK pour des teintures synthétiques à froid, mais, dans le cas de teintures naturelles, qui du frottement du peigne, lors du tissage proprement dit?

 

photo vue sur pinterest, pas de source

Ou on peut peindre la chaine en la laissant empeignée dans le peigne, bien rangée, comme chez Andrea Donnelly (http://littlefooltextiles.blogspot.com):

Gels colorants ou mordants= teinture par application sélective sur un écheveau

Lorsque je veux des effets précis, type faux-ikat ou graphismes à la japonaise, la technique est proche de l'impression par pâte . On prépare des gels colorants (teintures naturelles sous forme de gels, pour qu'elles ne fusent pas trop) , qu'on applique sur un écheveau ou une chaîne étalés sur un plastique (version classique; ma version: sur des papiers sulfurisés que j'achète en gros). On ne peut ensuite fixer au bouillon, c'est évident. On passe donc à la vapeur ou au microondes pour que la teinture prenne sur ces zones distinctes. Bonus: grâce à la vapeur, la couleur sera encore mieux fixée que par simple bouillon.

Voici comme je procède:

1. je m'assure que les fils sont bien lavés, même décatis pour le coton
2. j'ourdis la chaîne
3. je prépare le plan de travail (papiers sulfurisés à ré-utiliser dans mon cas)
   je prépare les pinceaux
4. je prépare trois gels : mauve, rose, une touche de bleu, par exemple
5. j'étale la chaîne
6. j'applique la pâte d'impression au pinceau: je peins des zones en mauve ou rose, je laisse des zones blanches, j'applique quelques taches de bleu franc
7. je laisse sécher
8. je fixe à la vapeur ou au micro-ondes
9. je passe en bain de son de blé pour ôter le gel
10. je laisse maturer une semaine (rituel? légende?)
11. je monte la chaîne et je tisse

 

En teintures naturelles, on dispose de plus d'options qu'en teintures synthétiques: on peut jouer avec les mordants plutôt que les colorants. Adapter la procédure ci-dessus selon les principes exposés dans le chapitre des pâtes d'impression.

 

 

 

Teindre un écheveau en portions de chaîne

La difficulté en tissage: si on peint en spacedyed un écheveau sans construire un design précis, on finit en boue de couleurs. Ce qui n'est pas le cas en tricot. C'est pourquoi on privilégie les chaines peintes. Mais... on peut teindre un écheveau et non une chaîne déjà ourdie. Il faudra être moins précautionneux dans le lavage, puisque la chaine n'est pas encore ourdie.

Avec mon dévidoir, la taille maximale d'écheveau que je peux produire est de 1.90m, ce qui me permet d'ourdir une chaîne de tons cohérents du double, soit 3.80m. Je peux facilement faire des écheveaux de 1.40m, pour une chaine de 2.80m. Je les décatis soigneusement, bien sûr, avant même de commencer toute autre procédure.

Je relis les conseils de Synn Mitchell dans son article imagé "Painted-Skein Warps" où elle expose comment préparer des écheveaux en palindrome. Palindrome: les couleurs sont appliquées en miroir, pour éviter l'inversion des séquences en retour d'ourdissage (du bas vers le haut, voir ses photos c'est plus clair - seuls les tisserands comprendront la nécessité, puisqu'ils auront déjà ourdi une chaîne). Technique qu'elle a simplifiée juste après, dans l'article suivant Painted-Skein Warps: Bonus Content où elle ourdit en cercle, ce qui résoud le problème.

 

Technique du palindrome:

 

 

NB 2024. J'ai souvenir d'avoir vu un article de blog chez Handweaving Academy , qui détaille cette pratique sous forme de tuto, pas-à-pas. Je le retrouve sous peu, s'il est disponible en clair.

Du presque ikat en chaîne

Voir la présentation de l'ikat ici. Bonnie Tarse partage sa technique facilitée pour une chaîne en ikat : au lieu de peindre une chaîne déjà ourdie, ce qui entraîne parfois des difficultés pour la remonter, et quasi toujours pour l'étaler avant teinture, sans parler du nettoyage si on utilise des pâtes d'impression en gels, elle organise les liens ikat sur un écheveau comme si elle projetait de l'ikat de trame. Par exemple un écheveau d'environ 130cm lorsqu'elle envisage une chaîne de 3.6m, soit trois fois la longueur (elle utilise ses genoux comme tendeur). Elle lie, elle teint, elle rince. Ensuite elle peut ourdir sa chaîne à l'instinct. Lire le détail sur Designing with Turned-Weft Ikat

Bonnie a filmé une vidéo pour montrer la dernière étape: Almost Ikat Weaving Tutorial with Bonnie Tarses

On voit qu'on peut produire du pseudo ikat à partir de laines achetées déjà multiséquencées.

 

 

 

La théorie des couleurs d'Itten en tissage

 

Il y a quelques années, ma copine Pascale (décoratrice surdouée de la couleur) m'a expliqué le travail de Johannes Itten. Certaines copines tisserandes doutent du choix de couleurs. En général, je m'inspire de ce que j'avais appris dans le livre de Johannes Itten, dont j'ai transcrit mes tests sur mon ancien blog de peinture à l'huile, qui s'appelait "Couleurs d'étoiles". Comme je suis un tempérament studieux, j'avais fait une série de gammes pour vérifier ma compréhension du système:

 

 

Pour les novices coloristes, un peu d'aide chez Tien Chu, très didactique et partageuse (2024: qui donne désormais des cours chez handweaving Academy). On se base sur le cercle chromatique, dont j'aime la version simplifiée chez Chiu: on y voit clairement, par surface, les couleurs primaires et leurs secondaires respectives.

 

 

Récemment sont nés des centaines de sites surtout américains, expliquant ces principes de manière hyper claire et les organisant en systèmes: "analogue" etc. Je préfère m'arrêter à "primaire/secondaire/tertiaire et tonique" et jouer toute seule (voir par exemple mes gammes Itten provenant d'un autre de mes blogs).

C'est un choix. D'autres préféreront les autoroutes dessinées par ces graphistes modernes.

Un exemple chez l'excellente pédagogue qu'est missiz Chiu.

Elle montre en exemples concrets et en images parfaites la théorie des couleurs d'itten que j'avais étudiée, projetée sur le tissage. Sur son blog ,

• commencer par Comment utiliser le noir pour donner du piquant à vos tissus tissés à la main pour comprendre les interactions de couleur noire en fonction des chaînes (photo 1 ci-dessous)
• puis comment éviter l'effet boueux des mélanges trop proches: Vos belles couleurs finissent-elles en effet boueux? ? Qui n'a pas eu un triste résultat avec de superbes couleurs? (photo 2)
• Et enfin la leçon ultime des interactions de couleurs, très édifiante par ses exemples superclairs: Comment utiliser des couleurs contrastantes dans votre tissu tissé à la main (photo 3)

Elle propose quelques autres bases de gestion des blocs couleurs dans un ebook en téléchargement libre.

Pour mes projets multicolorés, j'ai aimé son billet Comment montrer les couleurs dans votre chaîne peinte (photo 4)
Elle utilise des chaînes teintes, j'utilise du pooling ou des chaînes multicolorées, mais le raisonnement est pareil.

photo 1

 

 

photo 3

Tisser des chaînes peintes: choix des couleurs

Un conseil de la même Tien Chu, spécialiste coloriste, dans son article Weaving with handpainted yarns – how to get gorgeous work, pour que les couleurs gardent un ton vif.

Rappel du cercle chromatique, une autre version (source: warpandweave.com):

 

Selon Tien Chiu:

1. Groupe 1. Mélangez allègrement le turquoise cyan, les bleus, verts, le jaune citron.
2. Groupe 2. Mélangez le magenta, les rouges, les oranges et les jaunes
3. Groupe 3. Mélangez les magentas, les bleus, les violets et le cyan (turquoise)

Mélangez des couleurs entre ces 3 groupes dans le même écheveau, c'est la garantie d'un tissage plus terne. A moins d'être un maître coloriste, ne sortez pas de la portion de tarte dessinée en noir par Chu.

Trois autres articles de sa plume sur le sujet, clairement illustrés:

• Choisir des trames pour mettre en valeur les couleurs de votre chaîne peinte
• Comment concevoir avec des bandes peintes, partie I
• Comment montrer les couleurs de votre chaîne peinte

 

Dont voici quelques images:

 

 

Simulateurs de couleurs en ligne

On peut choisir les couleurs au pif ou en suivant les règles d'Itten, mais, dès qu'on a un peu de métier, on peut aussi simuler à l'écran.

J'ai testé le logiciel gratuit en ligne proposé par Randomstripes.com, un générateur de rayures. J'utiliserai les couleurs que j'ai produites dans les diverses toisons exposées plus avant. Je n'ai pas beaucoup de tons quasi noirs, je filerai du noir du Velay ou de l'agneau mystère ardennais que j'ai acheté à Pascaline (noir/marrron).